Avril
Nous nous installons sur le toit, en face du bâtiment où doit avoir lieu la fusillade. Nous allons camper ici pendant deux jours. Je déteste ce genre de mission. C’est trop long. Je mets mon SVD en place et regarde les fenêtres de l’entreprise à travers la lunette. Roman se poste près de moi, avec des jumelles. J’observe sa mâchoire carré, ses lèvres fines, son beau nez, ses yeux ténébreux et ses cheveux noirs. Il est grand et musclé. Il correspond parfaitement à mon type d’homme. Je tourne ma tête de l’autre côté et croise le regard bleu d’Andy. Mon estomac se serre et nous nous détournons tous les deux en même temps. Je me relève et rejoins Maxwell qui charge sa mitraillette. Lui, est de grande taille, il a la peaux chocolat au lait, à de beaux yeux marrons et des cheveux noirs très courts.
- Tout va bien ? je lui demande en m’asseyant près de lui.
Oslo regarde le paysage, penchée sur la balustrade. Maxwell passe à une autre arme en souriant.
- Ouais et toi ? C’est cool, on va pouvoir faire connaissance avec le petit nouveau. Il va subir un interrogatoire costaud ! Je pense qu’il doit être doué. Après tout, s’il a travaillé dans l’armée américaine, il doit savoir de quoi il parle. Finalement, ça ne te dérange pas de travailler avec lui, si ?
Je hausse les épaules et renverse la tête en arrière, pour voir le ciel orangé.
- Il est sympa. Et si ce que tu dis est vrai, il va m’être utile. Par contre, il ne doit pas me faire de l’ombre.
Il rigole.
- Toujours égale à toi-même, Ketlet ! Ne t’inquiète pas, il ne te fera pas de mal. Il a l’air de bien t’apprécier, d’ailleurs.
Je rougis légèrement et reviens vers Roman et Andy. Nous allons passer deux jours tous ensemble. Il va forcément arriver quelque chose, je connais mes amis. Ils ne vont pas laisser Andy tranquille !
Le soir, nous discutons, assis sur nos sacs de couchage. Nous allons nous relayer pour faire le guet toutes les trois heures. Si quelqu’un venait à nous voir, ça pourrait mal se finir ! Je regarde les étoiles. J’aime la nuit. Tout est plus beau une fois la soleil couché, quand les lumières sont allumées.
- Ketlet, quand est-ce que tu as touché une arme pour la première fois ? me questionne Oslo en jouant avec une mèche de cheveux rouges.
Mon sang se glace en entendant ces paroles. Mon passé revient par flashs. Je serre les dents en revoyant ces images. Je ne veux pas reparler de ça, jamais ! C’était si affreux…
- Avril, ça va ? demande Andy sur un ton inquiet.
Je relève les yeux et secoue la tête, lentement.
- C’est juste que ma première expérience avec les pistolets n’a pas été très joyeuse. On peut éviter le sujet, s’il vous plaît ?
Ils affirment et changent de discussion, comme si de rien n’était. Je ressens tout à coup le besoin de parler à ma sœur. Elle seule peut comprendre ce qu’il s’est passé à cette époque. Personne d’autre n’en est capable. Je me lève et me dirige vers le bord du toit pour voir la rue. Les lampadaires sont illuminés, les voitures roulent et les fêtards traînent. J’aime observer les gens. Ça me détend. Plus ou moins… Je sens quelqu’un s’approcher de moi. En voyant la silhouette charpentée de McDawn, mon corps s’embrase. Je l’ignore et continue de regarder ce beau spectacle urbain.
- Tout va bien, Avril ?
- Oui, et toi ?
Il se tait pendant quelques secondes en fixant le vide. Je ne dis rien non plus, attendant qu’il s’en aille. Mais il décide de rester.
- Tu as vécu des choses difficiles, n’est-ce pas ? dit-il en se tordant les doigts.
Je tressaille et m’humecte les lèvres.
- Oui. Comme tout le monde sur Terre. Peut être plus que certains mais rien d’affolant.
- Tu sais, moi aussi j’ai eu des passages durs. Si tu veux en parler, je suis là.
- Merci. Tu peux partir, maintenant.
Andy baisse la tête et fait demi-tour. Je m’en veux de lui avoir fait de la peine, mais je n’aime pas qu’on me prenne en pitié. Je n’en ai vraiment pas besoin. Je suis trop affreuse pour qu’on m’accorde ce genre de sentiment. Soudain, je perçois un mouvement suspect, derrière les vitres de l’entreprise. En réalité, c’est un endroit où travaillent d’autres tueurs à gage. Nous devons aussi réduire la concurrence, dans le métier. Je me baisse immédiatement et fais signe aux autres. Ils se mettent aussi à terre et rampent vers leurs armes. Je me place devant mon fusil et regarde à travers la lunette. Je repère une ombre, dans le noir.
- Il y a quelqu’un là-bas, je murmure comme s’il pouvait m’entendre. On fait qu…
Avant que je puisse terminer ma phrase, les fenêtres explosent dans un grand bruit. Les étincelles de l’arme illuminent le tireur. Et d’après ce que je vois, il n’est pas seul. Nous nous protégeons avec le muret de pierre avant de riposter. Je vise un homme qui se trouve juste en face de moi et lui tire dessus. Il s’écroule tandis que je tire sur le levier culasse pour extraire ma cartouche. Les attaques reprennent et nous répliquons. Ils sont plus nombreux mais moins protégés. Les bruits de nos tirs retentissent dans la nuit. J’oublie où je suis et qui je suis. La seule chose qui m’importe c’est ma cible. Les hurlements des blessés ne m’atteignent pas, je continue de tuer. Ils ne méritent pas de vivre après tout, ceux sont des assassins. Moi non plus. Mais je suis encore là et c’est certainement pour une bonne raison. Personnellement je ne crois pas en Dieu. S’il existait, il m’aurait déjà supprimée. Avec toutes les actions malsaines que j’ai faites, je pense qu’en fin de compte, c’est moi Dieu. Nous sommes tous notre propre Dieu.
- C’est bon ! s’écrie Roman. On les a tous eu.
J’observe les hommes à terre pour être sûre qu’ils soient morts. Une fois rassurée, j’enlève ma dernière cartouche et change le magazine de mon arme. La tension tombe peu à peu. Mon adrénaline revient à la normale. Tout à coup, j’entends des crissements venant de la porte du toit.
- Tournez-vous ! je susure en visant l’entrée avec mon fusil dans les bras.
Je me relève en veillant à ne pas faire de bruit. La porte s’ouvre dans un nuage de balles. Sans prévenir, je fais demi-tour et saute du toit. Quelqu’un crie mon nom mais je tombe déjà du dixième étage. Je lève la tête et vois Andy qui chute, trois mètres au-dessus de moi. C’est lui qui m’appelle. Il m’attrape par les cheveux et me tire vers lui. Il finit par me prendre par le bras et nous nous accrochons l’un à l’autre avant se s’écraser dans un grand conteneur. Tout devient noir. Je sens une terrible douleur dans mon crâne. Elle descend le long de ma colonne vertébrale, jusqu’à mes jambes. Je pousse des gémissements en remerciant le ciel pour être tombée dans une poubelle remplie d’objets moelleux. Le canon de mon arme me rentre dans les côtés. Je le retire en soufflant. Je n’y vois quasiment rien.
- Andy, tu es en vie ? je chuchote avec une voix fatiguée.
- Oui espèce de folle, répond-il sur un ton plaintif. J'ai vraiment cru qu'on allait y rester ! Tu ne pouvais pas tout simplement prendre l’escalier de service, comme tout le monde ?
J’ouvre de grands yeux, étonnée. Je ne perçois que sa chevelure blonde dans l’obscurité. Nos jambes sont entrelacées et son coude frôle mon épaule droite.
- Il y en avait, sérieux ?!
- A mon avis, tu devrais essayer de repérer les issues de secours avant de devoir sauter d’un toit d’au moins une trentaine de mètres de hauteur.
- Alors pourquoi tu m’as suivie ? On a eu une chance phénoménale de ne pas se manger le béton.
Andy marque une pause. De la lumière illumine l’intérieur de la boîte. Je remarque alors qu’il rougit. Ses beaux yeux bleus se posent sur moi. Je frémis et détourne le regard.
- Je n’allais pas te laisser seule. Puis nous sommes coéquipiers, à la vie, à la mort. N’est-ce pas ?
Je le regarde et il me fait un sourire malicieux. Je rigole et essaie de me relever. Mes jambes me font un mal de chien mais j’arrive à me tenir de bout. Je lève la tête en direction du toit.
- Ils sont encore là, je constate en serrant mon fusil contre moi. Allons-y. Par l’escalier, cette fois !
- Impossible, ils sont trop nombreux. Je crois que Maxwell, Roman et Oslo en ont tué quelques uns avant de s’enfuir mais c’est toujours trop risqué.
Je souris et sors quelque chose de la poche de ma veste en cuir.
- Une grenade ? s’exclame Andy, émerveillé. On y va !
- C’est parti !
Je me hisse sur le rebord de la poubelle et saute. Tout mon corps me fait souffrir. Andy tente de sortir mais n’y arrive pas. Il gémit et vient près de moi en boitant. Son visage est déformé par la douleur. Il met ses mains sur sa hanche en grimaçant. Je suis tentée de lui caresser le bras pour le rassurer mais je me ravise. Ce geste serait déplacé.
- Tu peux avancer ? je lui demande, l’air inquiet.
- Ne t’inquiète pas ! Ce n’est pas une simple égratignure qui va m’empêcher de continuer alors que je viens de sauter d’un toit. Je crois que je me sens plus courageux que jamais !
Je souris et me place près de lui. Il entoure mes épaules de son bras et nous contournons le bâtiment. Nous trouvons rapidement l’escalier de service.
- Monte, je vais te retarder, m'assure le beau blond avec un sourire angélique. S’il y a un problème, appelle-moi. Je vais retrouver les autres. Je ne m’éloigne pas. Bonne chance, même si tu ne vas pas en avoir besoin, à mon avis.
Je souris et secoue la tête.
- Oui, je suis très organisée, comme tu as pu le voir ! A tout de suite !
Je commence la montée, mon fusil entre les mains. Je me dépêche pour ne pas arriver trop tard. J’espère que tout ira bien pour Andy.
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Criminelles
ActionVous êtes-vous déjà imaginé ce qu'il y avait dans la tête des assassin ou des mafieux ? Pourquoi font-ils le mal autour d'eux ? Peut être ont-ils de bonnes raisons... Avril et Eléna sont sœurs jumelles. Elles sont très différentes mais une chose les...