Criminelles

Chapitre 17

Eléna

Vingt ans avant...

Je me tortille sur mon siège. Avril tape son pied sur le sol à un rythme régulier. Elle semble énervée. Je sens que la séance va être tendue ! La porte s'ouvre derrière nous et se referme. Un homme apparaît dans mon champ de vision. Il doit avoir une quarantaine d'années. Il nous sourit et s'assoit dans son siège, en face de nous. Notre nouveau psychiatre, Mr.Daubert. Il est petit, a une calvitie et porte des lunettes rondes qui protègent ses grands yeux verts. Il n'est pas beau, mais ses yeux sont magnifiques. Ce vert est hypnotisant ! Je lorgne vers ma sœur qui joue avec une mèche de ses cheveux châtains. Je me tourne vers notre psy et lui souris. Il faut bien qu'il y en ait une qui soit sympathique ! Et ce n'est certainement pas Avril qui va tenir le rôle.

- Bonjour mesdemoiselles, déclare le monsieur et croisant ses mains sur le bureau en bois massif. Je m'appelle Mr Daubert, je suis psychiatre.

Avril relève la tête, d'un air surpris.

- Psychiatre ?! s'exclame-t-elle. Je croyais qu'on allait voir un psychologue ! Les psychiatres, c'est pour les fous !

Le docteur m'observe. Je soupire et pose une main sur l'épaule de ma jumelle.

- Oui sauf que moi je suis malade et que toi tu as vécu un gros traumatisme, un psychiatre nous aidera mieux qu'un simple psychologue. Puis toi aussi tu as des problèmes...

- Pfff !

Ma sœur s'enfonce dans son siège et croise les bras en regardant Mr Daubert avec mépris. Je savais que ça n'allait pas être facile ! Mais je suis certaine que cet homme peut nous aider. Il y a quelques temps, je me suis mise à avoir des obsessions pour les objets qui ne m'appartenaient pas. J'avais envie de les avoir. J'avais besoin de voler les biens des autres. On m'a appris que j'étais kleptomane. J'ai vraiment besoin de me faire soigner.

Et Avril a été troublée par les évènements récents. Moi aussi, mais bien moins qu'elle. Nos parents se font du souci pour nous, c'est pour ça qu'ils veulent qu'on voie un psy. Mais ma sœur ne semble pas le comprendre.

- Je suppose donc que tu es Eléna, dit le docteur en me montrant d'un revers de main. Et toi Avril, ajoute-t-il en lorgnant vers ma jumelle.

- Et pourquoi ? demande-t-elle méchamment. On vous a dit qu'Avril c'était la pétasse et Eléna la gentille ? J'aurais préféré que vous nous différenciez par la couleur de nos yeux, par exemple !

- Ce n'est absolument pas ce que je voulais dire. On m'a juste prévenu qu'Avril était plus mouvementée qu'Eléna.

- Elle a simplement plus de caractère que moi, je réplique d'une petite voix. Bon, et si nous commencions la séance ?

Le silence retombe. Le docteur consulte ses dossiers tandis que ma sœur joue avec la fermeture éclair de sa veste en cuir. Je promène mon regard sur le bureau : carnets, dossiers, pot à stylos, stylo plume Mont Blanc, feuilles de papier... Attendez ! Stylo Mont Blanc ! Mon Dieu ! J'examine l'objet avec convoitise. Il est noir avec des rayures dorées sur les extrémités du capuchon. Est-ce de l'or ? Combien doit-il coûter ? Soudain, la grande main du psychiatre se pose sur lui. Je lève les yeux et rougis. Il m'a vue. Il sourit et secoue la tête.

- J'étais sûr que tu allais succomber à la tentation, déclare-t-il. J'ai placé mon stylo en évidence pour te tester. Tu es tombée dans le piège. Ne t'inquiète pas, je vais t'aider à régler ça.

- Sans déconner ! pouffe Avril. J'espère bien que vous allez l'aider avec a thune que vous file nos parents. Vous ramassez combien par mois ?

- Avril ! je l'interrompt, écarlate.

Elle est insupportable ! J'ai l'impression qu'elle ne peut pas passer une seule journée sans insulter quelqu'un. Quel manque de savoir-vivre !

- Toi aussi je te guérirai Avril, la rassure-t-il en souriant. Tu verras, la vie sera plus agréable après. Quand tu seras polie et civilisée.

Ma sœur le regarde, bouche bée. Je souris. Bien joué !