Chapitre 16

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Avril

- Je crois que j’ai oublié les munitions, dis-je en fouillant dans mon sac à dos Eastpak. J’espère qu’on se fera pas agresser comme la dernière fois !
- Ou que tu rates ta cible, commente Andy en chargeant son pistolet automatique.
- Ne t’inquiète pas, ça, ça n’arrive jamais !
- Tu es trop modeste !
- Bon, j’avoue, je me plante quelques fois quand l’objectif bouge beaucoup, s’il est à plus de neuf cents mètres ou qu’il y a vachement de vent. Mais au deuxième essai, je l’ai direct ! Et c’est très rare !
- Je te crois. Hey ! Tu sais que c’est notre première mission solo, tous les deux ?
- Oui, ce qui la rend plus « solo ». Attends…ça veut dire que je ne ferai plus jamais de solo ?! C’est horrible !
Je le regarde avec de grands yeux. Il pose son arme et hausse les épaules.
- Mais ça te dérange tant que ça que je sois là ?
Je comprends ma gaffe et essaie de me rattraper :
- Non ! Pas du tout ! C’est cool, ça change. Je suis désolée, je ne voulais pas dire ça…
- Pas grave.
Il se détourne et se concentre sur son arme. Je soupire. Mais qu’est-ce qui m’a pris de dire un truc pareil ?! Je suis bête ! J’espère qu’il ne m’en veut pas… J’observe son dos voûté, sa nuque bronzée et ses merveilleuses mèches dorées. La température de mon corps augmente. Je passe une main dans mes cheveux et me mets en place derrière mon fusil. Je mets mon œil devant la lunette et la règle.
- Il est là ! j’informe Andy en posant mes doigts sur la gâchette. J’y vais !
- Non ! m’arrête le beau blond et se ruant sur moi.
Il prend ses jumelle et regarde la scène : notre cible (un puissant homme d’affaires) manipule son téléphone portable dans une petite rue. Il n’y a pas beaucoup de monde, personne ne nous repèrera.
- Quelqu’un arrive ! Tu vois cette femme, là ? C’est son avocate : Juliette Marchand. Si on tire, il lui suffira d’une demi-seconde pour lever les yeux et nous apercevoir. On doit attendre qu’elle parte ou qu’elle se tourne.
- Wouah ! J’avais pas vu ! Bien joué !
J’observe la femme, prête à tirer. Elle discute tranquillement avec son client. Elle lève une main et se met à fouiller dans son sac. Elle en sort son téléphone et se tourne pour répondre à un appel.
- Maintenant ! s’exclame Andy.
J’appuie sur la gâchette et la balle part. L’homme d’affaire s’effondre, un trou dans le front. Juliette Marchand se retourne et puisse un hurlement strident. J’éclate de rire, triomphante. Je prends mon fusil et ramasse le pied pour me cacher derrière la rambarde. Elle pourrait nous voir. Je regarde Andy, un grand sourire aux lèvres.
- Putain, on se croirait dans American Sniper ! déclare-t-il en rigolant. T’es vraiment douée. Je croyais que Mark exagérait mais en fait, pas du tout ! Tu es géniale ! Il était à plus de huit cent mètres ! Tu l’as eu du premier coup.

Je rougis et tire sur le levier culasse. La cartouche tombe par terre et je la ramasse. Je fais mine de l’examiner pour ne pas avoir à regarder Andy. Il me trouve forte, sérieux ? De la part d’un militaire américain, c’est un super compliment !
- Merci, je réponds simplement en rassemblant mes affaires.
- Tu le mérites !
Nous nous mettons à ranger, en silence. Je me demande s’il y a une possibilité qu’il se passe quelque chose entre nous. Est-ce qu’il ressent quelque chose pour moi ? J’aimerais tant…
- Dis, comment t’as été engagée chez Jensoker ? me demande-t-il en mettant son sac sur son dos.
Mon cœur s’arrête. Je me paralyse. Comment j’ai été engagée ? C’était il y a dix neuf ans, j’avais…quinze ans. Je me remémore cette soirée fatidique. Mon pouls s’accélère. Je n’ai pas vraiment envie de parler de ça, ce n’était pas une bonne expérience. Je suppose que c’est ce jour là que j’ai foutu ma vie en l’air. Le pire des choix que j’ai pris. Pourtant, qu’aurais-je pu faire d’autre ? Mark Jensoker, mon ange gardien… C’est lui qui m’a aidée à régler mon problème de self-control. Pas le psy que je voyais, ni les médecins, ni les parents. Non, c’est ce criminel millionnaire qui m’a sortie du trou.
- C’est une longue histoire…
- J’ai tout mon temps, renchérit Andy en balayant une mèche blonde de son beau visage. Tu peux me faire confiance, je ne le dirai à personne. D’ailleurs, je n’ai personne à qui en parler !
Je me surprends à rire. Ce type a vraiment une influence incroyable sur moi ! Je ne sais pas si je dois lui raconter mon passé… Quand je repense à tout ce que j’ai pu faire alors que je n’ai que trente-quatre ans, c’est affolant ! Je suis vraiment un monstre ! Toutes les personnes que j’ai tuées… Andy me jugerait, c’est sûr. Lui aussi est un assassin, mais il a tout d’abord été un militaire. Et il n’a pas commencé à tuer aussi jeune que moi. Même si au début, j’ai fait ça pour une bonne cause. Soudain, les alarmes de la police retentissent.
- On doit partir, je dis tranquillement en m’approchant de la porte du toit.
- OK, mais alors tu me parles de ton histoire en chemin.
- Parler et fuir les flics parce que tu risques la prison à perpétuité en même temps, c’est un peu stressant. Puis j’aurai d’autres occasions de te raconter ma vie. Si on ne se fait pas chopper, bien sûr !
- Comme tu veux ! Allons-y ! Mais je te préviens que dès qu’on est rentré, j’exige mon histoire du soir !
Nous éclatons de rire et partons. Finalement, je vais tout lui dire. Andy mérite de savoir. Je lui fais confiance. Puis c’est l’occasion de me rapprocher de lui…

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