Aujourd'hui c'est le grand jour. Le jour qui sera, surement, le plus dur de ma vie: on va aller au cimetière.
Je suis allongée dans mon lit, j'regarde le plafond comme si ce dernier allait me parler... Ça doit faire 20 minutes que je suis réveillée mais pas levée. On entend que le ventilateur... même la rue est calme, comme si le monde s'était mis en stand-by pour ce jour éprouvant. Une rue calme à 10h au bled, en plus à Agadir, c'est rare, voir exceptionnel.
Je retire ma couverture, et m'asseois au bord de mon lit, je regarde le sol, comme si lui aussi allait me parler. Je me lève, met un long gilet à manches courtes. Je fais mon rituel matinal puis je vais dans la cuisine. Je prend un verre de jus et un gateau du hanout (marchand). Je m'asseois dans le salon. Mon regard reste toujours aussi vide, j'sais même pas quoi penser... J'dois être fière d'aller les voir au cimetière? Honteuse de n'être pas aller à l'enterrement de maman? Ou être triste? Donc j'suis vide de sentiments: y'a plus rien.
Fares se lève, et va direct dans la salle de bain, il revient, en se grattant le torse, il me tcheque avec son autre main. Il part dans la cuisine, il prend deux RAÏBI JAMILA un dans chaque main, avec un gâteau qu'il tient entre ses dents, il s'asseoit sur un autre sedari et mange. Lui aussi à l'aire vide. Son regard est totalement neutre: il n'a pas l'aire fatigué, ni en forme, ni triste ni heureux, juste vide.
Moi: bien dodo.
Lui: toz. *silence* et toi?
Moi: rien du tout.
Je me lève et nettoie à fond: ça m'aide à penser à autre chose, et en plus on part demain... Fares a fait un p'tit tajine et l'a posé sur la table, je pars ranger les produits et tout, et je mange avec lui. On n'entend que la mouche faire son bruit de merde.
Lui: cette mouche de merde commence à m'faire chier!!
On mange sans aucun bruit.
Lui: on y va dans 20 minutes, le temps de s'habiller.
J'repond pas et j'vais m'preparé. Je ne met qu'une abaya, et j'me jette un châle sur les épaules. Je met mes chaussures, je met mes lunettes de soleil sur le nez. Je sors de la maison, et j'pars m'asseoir dans la voiture le temps que Fares se ramène.
Au bout de 5 minutes, il se ramène: djellaba du bled, basket et lunette de soleil. Il monte.
Moi: laisse rouler!
Il descend et moi, je passe côté conducteur, il va côté passager, et j'démarre. Il m'indique le chemin sans trop parler.
On arrive. Le jour que j'ai tant voulu repousser depuis je ne sais combien de temps... Là, c'est aujourd'hui où jamais. J'ai mes mains sur le volant, je regarde à travers mes lunettes, ce cimetière... Je souffle un bon coup, Fares descend et j'fais pareil. Je pars à côté de Fares, il avance devant, parle avec un gars, surement le gardien. Fares le suit, et moi je suis Fares.
Le gardien: *en arabe* ici c'est ton père Allah y rahmo et là bas *pointe du doigt* c'est ta mère Allah y rahma. Allah isahel weldi (que Dieu te facilite mon fils).
Fares repond "Amine" et le remercie. Je me met à côté de mon frère, je m'abaisse et touche la pierre tombale de mes doigts. Les larmes me montent aux yeux et coulent aussi vite qu'elles sont venus. Je pleure discrètement.
Moi: on fait quoi?
Fares: parle pas avec moi steuplai.
Je m'asseois devant la pierre tombale. Mes larmes ne cessent de couler. Je lève la tête vers Fares, des larmes coulent à flot, je me retourne. Et continue de pleurer. J'ai fais des milliers d'invocations pour ce roi. Tellement d'invocations.
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Sans père ni mère, J'avais besoin d'un repère.
Fiksi UmumMoi, c'est Hasna. Mon histoire n'est pas simple. Aucune vie ne l'est... Mon frère est parti lors du decés de papa. J'suis partie le chercher... Mais j'm'attendais pas à autant de difficultés pour être avec mon frère. Chronique fictive, mais ne vous...