12 DÉCEMBRE

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                                              ---------------OPHÉLIE----------------


« Les gouttes crépitent sur l'étoffe synthétique des parapluies. La pluie de Paris est si triste. Il lui manque cette vigueur propre au Sud. Cette densité, balayée de rafales, qui cingle les visages, courbe les pins et déchaîne la mer.

Ici, la pluie est trop fine. Elle coule mollement sur les vieux bâtiments. Impudique, elle pénètre les corps anonymes. Elle s'attarde longtemps au fond de leurs prunelles vides. Elle exsude purulente des immeubles lépreux.

Inconstante, livide, elle recouvre la ville de sa capeline d'huile.

Inutile, stérile, elle délave le bitume crasseux. »


Le stylo bille dérape. Tremblante, Ophélie referme son carnet. Elle caresse l'arrête de cuir abîmé.

Elle inspire profondément.

Elle ravale ses larmes. Elle sourit tristement.

Là-haut, au travers de la lucarne, un pigeon frileux l'assure de son soutien.

Combien de temps la sépare des siens ?

Des semaines, tout au plus.

Et pourtant, c'est comme s'il s'était écoulé des siècles.

Comment un cœur aussi plein peut-il être aussi vide ?

Comment son propre choix peut-il être aussi difficile à suivre ?

Partir, s'éloigner, s'autoriser à foncer droit dans l'Aléatoire, tutoyer l'Inconnu, s'éprouver au sel des autres :  n'est-ce pas ce qu'elle avait toujours voulu ?

Et voilà que maintenant, alors qu'elle est enfin seule face à elle-même ; alors,  que plus Personne n'est là pour lui baliser le chemin,  elle ne trouverait plus la force de s'affronter ?

Nom d'un chien ! Qui peut avoir peur de soi à ce point ?

Ophélie fronce les sourcils. Sa mâchoire se crispe.

Surtout, ne pas s'écouter regretter.

OPHELIEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant