17 janvier, 6h03

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..........MARTIN........

Martin tient Ophélie par la main. Sans un mot, ils parcourent les quelques mètres qui les séparent de la Piazza. A l'angle du bâtiment, il l'oblige à s'arrêter.

Face à l'atelier Brancusi, il y a un escalier.

Il fait glisser ses doigts sur le chambranle de la porte grillagée.

Elle fronce son joli front.

- Comment  ? 

- Je connais l'ami d'un ami qui travaille ici...

Elle lui adresse une moue amusée. D'un geste gracieux, il la laisse passer.

Ophélie grimpe, quatre à quatre les marches métalliques.

Il souffle. Dans sa poitrine, ses poumons se contractent. Il a mal. Pourtant, il est heureux.

Cette souffrance, cette asphyxie sont la preuve qu'il est bien vivant.

L'instant est réel. L'instant est  présent.

Ophélie s'arrête. Elle redescend. Elle le toise d'un air grave.

Il lui sourit. Elle se détend.

Elle le tire par le bras comme elle le ferait avec un vieux monsieur.

Que lui a-t-il laissé voir ?

Elle ne répond pas. Elle se contente de l'épauler.

Ils parviennent enfin au dernier seuil de la coursive.

Elle lâche son bras. Elle laisse courir sa main sur la rampe.

Le vent soupire dans les tuyaux multicolores.

Le visage de la fée s'illumine.

- As-tu déjà vu quelque chose de plus beau ? demande-t-elle.

Elle s'éloigne comme "Elle" le fait « toujours », comme "Elles" le font "toujours" : le pas léger, la tête haute.

Essoufflé, douloureux, il la regarde s'extasier devant les lumières de la ville. Elle dévore Paris de ses grands yeux. Il allume une cigarette. Elle s'est penchée sur le garde-fou. Elle sourit. Un sourire volé à l'enfance.

Il passe ses bras autours de sa taille. Elle pose ses mains fraiches sur les siennes. Elle appuie la tête contre son torse et encore cet envoutant parfum de vanille. Encore ce cœur qui pulse sous la peau translucide.

Les yeux abandonnés au Sacré-Cœur, elle ne bouge pas.

Elle ne bouge plus. 

Puis, d' un murmure à peine relayé par le vent de janvier, elle s'inquiète :

- Et si on nous attrape ?

Il enfouit  son nez contre son cou. 

- Alors nous n'aurons qu'à dire que nous nous sommes perdus.

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Média: http://www.escapade-paris.fr/241-sortir-a-paris/1222-musees-parisiens/1291-musee-national-d-art-moderne-pompidou.html

OPHELIEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant