MARTIN ET OPHÉLIE

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- C'est moi.

- Je sais.

- Tu es libre ?

Ophélie sourit.

- Tu travailles ? insiste Martin.

- Oui.

- Tu finis quand ?

- 3 heures 30.

- Je t'attends.

Elle raccroche.

.........

La sonnette retentit dans le Grand Duplex de Saint-Germain.

Il ouvre la porte.

Elle lève les yeux.

Ils sont moins verts. Ils sont plus grands. Ils sont plus sombres.

Pourtant, elle sourit. Elle sourit de ce sourire distrait dont elle seule connait le secret.

Elle paraît si frêle ce soir ...

Il lutte pour ne pas l'attirer dans ses bras.

Elle entre.

Elle a cette façon insolente d'habiter la pièce. Comme si, en sa présence, les objets s'animaient. Il est terrible, ce besoin qu'il a de s'effacer pour la regarder bouger.

Elle tremble.

- Tu veux boire quelque chose ?

Elle s'assoie sur le canapé.

- Il te reste du Whisky ?

- Oui . Mais, je n'ai pas de soda.

- Je le bois sec de toute façon.

Surpris, Martin la dévisage.

Elle se frotte les yeux avec ses poings.

Elle allume une Marlboro.

Il lui tend le verre.

Elle trempe les lèvres.

Il s'accroupit pour se mettre à sa hauteur.Elle est assise en tailleur.

Il se tient face à elle. Il sait qu'elle lui cache quelque chose.

- Une mauvaise Journée ?

- Certaines dates sont plus difficiles que d'autres ... murmure-t-elle en passant ses bras autour de son cou.

Cette étreinte ne lui ressemble pas. Elle est trop forte.

Il  a la  sensation qu'elle  cherche à  s'agripper.  Il  a l'impression  qu'elle  est  au  bord d'un  précipice. Elle l'embrasse.

Elle coule son visage contre sa joue.

Il sent son souffle chaud sur sa nuque.

- Qu'est-ce qu'il y a ? tente-t-il, d'une voix douce.

Elle ne répond pas et il n'insiste pas. Ils  se contentent  de rester  ainsi,  enlacés,  de longues secondes.  Quand elle relâche son étreinte, son visage à changé. Il est apaisé. 

- Tu n'avais pas une chanson à me faire écouter ?

Il essaie de la sonder.

- Tu es certaine que ça va ? s'inquiète-t-il.

- Tu es certain d'avoir une chanson ? se moque-t-elle.

Il acquiesce lentement. Il n'arrive pas à s'arracher d'elle.

- Tu me la fait écouter ?

Il ne bouge toujours pas.

Elle fait couler sa main froide contre sa tempe :

- Je vais bien, le rassure-t-elle. Vraiment, bien .... Maintenant, montre-moi.

Il obtempère. Il passe les caisses.

La musique s'élève.

Paupières mi-closes, elle se laisse traverser par les notes.

Elle balance légèrement la tête jusqu'à ce qu'apparaisse un sourire. Un vrai sourire. Le sourire qu'il aime. Ce sourire frais et poupin,  plein d'innocence. « Le sourire magique », comme Martin l'appelle en douce. Son sourire à lui. Celui qu'il a découvert sur le toit de BEAUBOURG.

La musique étiole ses dernières mesures. Elle ouvre les yeux.  

Parce qu'elle conserve le silence, il cherche à s'excuser :

- Tu sais, ce n'est qu'une démo .....

- C'est Superbe. C'est touchant. Juste. Humain, susurre-t-elle.

Il vient s'asseoir près d'elle. Elle se love dans ses bras.

- Tu es étudiante, c'est ça ?

Elle se raidit.

Immanquablement, il grimace.

Il est allé trop loin et  il le sait.

- Tu comptes encore me soumettre à un de tes interrogatoires ?

- On a beau être à Saint-Germain, on ne rencontre pas à chaque coin de rue quelqu'un qui cite BRETON.

Elle avale une gorgée de Jack.

- Ne fais pas ça ... S'il te plait, ne me demande pas d'être « les autres ». Je te donne tout ce que je peux te donner. Tu peux prendre, mais, s'il te plait, ne me vole pas.

Il  acquiesce  sans  trop  savoir  pourquoi. 

Elle se serre dans ses bras.

L'oreille collée sur son torse, elle se laisse bercer.

OPHELIEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant