13 JANVIER, 8h07

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Sur le  fleuve,  baignant  d'une  pâleur lunaire,  mi-femme,  mi-spectre,  une ombre ondoie. Sa silhouette,   bercée par  le  clapotis  de l'eau,  erre mollement.  Tout autours  d'elle,  sa robe s'épanche, sibylline  et alanguie  dans  sa  virginale  froideur.


Il  se réveille.  Son  front  est couvert  de sueur.  Le  lit  est vide.  La chambre est vide.  Seul flotte un  parfum  de vanille.  Il  se lève.  Il  butte  sur l'un  des innombrables cendriers  qui  jonchent  le  sol. 

Il  sort de la  chambre.  Il  se  précipite dans le  salon. 

Personne. 

Il  traverse   la pièce au  pas de course. 

Il  suffoque.  Il  ouvre la  baie. 

A  peine  le  temps  de la  voir  disparaitre  à  l'angle du  boulevard. 

 Le bruit froid  de janvier le  fait  reculer. 

Adossé  au  bar,  il  inspire  goulûment  l'air saturé. 

Un papier virevolte à  ses pieds. 

Il  le ramasse.  Il  parcourt les quelques lignes. 


On sonne. On tambourine  à  sa porte. 

Il  ouvre. 

Paolo  déferle  comme  un Tsunami.  Ou  était-il  passé ?  Ou  était-il  cette nuit  ?  On  l'avait  cherché.  On  s'était  inquiété  pour  lui.  Réalisait-il  qu'il  ne pouvait plus  apparaître  dans des états  impossibles à  pleines  pages des magasines ?  

Indifférent.  Les yeux  rivés  sur la  feuille,  Martin  ne relève pas. 

Décontenancé, Paolo fronce les sourcils.  Il  fait glisser   le  battant de la baie  vitrée.  Il  lui  jette  une  couverture  pour  cacher sa  nudité. 

Comment  va-t-il ? 

    -  Une fée,  murmure le chanteur. 

Paolo  ne comprends pas.  Pourquoi  comprendrait-il  du  reste?   Martin  Chevalier  a  les yeux  rouges.  Il  empeste  l'alcool  et l'odeur  musquée de la  transpiration.  Ses cheveux sont plaqués par la  pluie.  Le visage  défait,  l'air  hagard,  il  affiche  une  expression hallucinée  en  lui  parlant de fée.  

Maintenant,  ça  suffit les conneries !  Il  faut qu'il  arrête d'enfiler des poutres à  neuf  heures du  mat.  Ce n'est  pas bon pour  lui!  Sans parler de la  maison  de disque  qui  n'en  peut plus  d'attendre! Alors quoi  ?  Sa  femme  le  quitte et il  envoie  tout  valser ?  D'ailleurs,  où  en  est-il ?  A-t-il seulement  écrit quelque  chose ? 

-  Mais ça  n'a rien  à  voir  ! s'agace-t-il.  Je ne  suis  pas défoncé. Elle était  là. Il  y  a à  peine  cinq minutes, elle était  là, ici,  dans cet appartement,   insiste-t-il.  Elle  existe.  Tu  comprends ?  ELLE  EXISTE !

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