- On ne se reverra pas.
Le jour n'est pas encore levé.
Stupéfait, Martin repose sa tasse de café sur la table.
Dans sa robe de fée, elle glisse en silence vers la porte d'entrée.
- Attends !
Elle se fige.
- Mais, enfin, pourquoi ? balbutie-t-il, la gorge nouée.
- Parce que, dit-elle, sans se retourner.
Martin ne comprends pas.
Entre-eux, « parce que » n'a aucun sens.
Que s'est-il passé ? Qu'a-t-il dit ? Qu'a-t-il fait ?
Et puis, pourquoi lui tourne-t-elle le dos, comme ça ?
Qu'elle parle ! Qu'elle s'explique !
Qu'elle dise quelque chose, n'importe quoi !
Une rage sourde gronde en lui.
Il en a assez de jouer aux devinettes ! Assez de ses silences ! Assez de ses mystères !
- Parce que « QUOI », Bordel ! éclate-t-il.
Elle se retourne sans sursauter. La masse de ses cheveux sombres fait ressortir sa peau diaphane. Ses yeux sont brillants. Elle n'affiche aucune colère. Aucune peur. Elle se tient, là, face à lui, comme une statue. C'est presque comme si elle n'était déjà plus. Presque, comme si elle était transparente. Presque, comme si elle s'effaçait.
- « Parce que », je suis trop jeune, souffle-t-elle d'une voix lointaine. « Parce que », tu es trop vieux. «Parce que », cette histoire est vouée à l'échec. « Parce que » c'est mieux pour toi et, « Parce que »; c'est mieux comme ça.
- Comment peux-tu savoir ce qui est « mieux » pour moi ! Tu as quoi ? 20 ans ? réplique-t-il, amer.
Elle incline la tête sur le côté avec ce sourire usé que seuls ont les gens âgés.
- Je dois partir, murmure-t-elle.
Elle pivote sur elle-même, légère comme un courant d'air.
Elle pose la main sur la poignée.
D'une enjambée, il la rattrape. Il s'interpose.
- De quel droit tu ...
Il ne lui laisse pas le temps de terminer sa phrase. Il l'embrasse. Elle essaie de le repousser. Ses petits poings battent la mesure contre son torse. C'est à peine s'il les sent. Il continue à presser ses lèvres contre les siennes, jusqu'à en forcer le barrage.
De quel autre moyen dispose-t-il pour la faire capituler ? Comment la convaincre, autrement ?
Front contre front, Martin chuchote :
- Tu ne dois pas partir, tu comprends ?
Du bout de ses doigts frais, elle caresse sa tempe, elle redessine les contours de son visage.
Les iris au fond de ses prunelles sont comme un puits sans fond.
Il s'y perd. Il s'y noie.
- Je ne peux pas rester.
De la paume de sa main, elle l'oblige à baisser les paupières.
Elle dépose un léger baiser sur ses lèvres.
Quant il ouvre les yeux, elle a disparu.
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OPHELIE
Short Story"Ne laisse pas ta flamme s'éteindre, étincelle après précieuse étincelle, dans les eaux putrides du presque, du pas encore ou du pas du tout. Ne laisse pas périr ce héros qui habite ton âme dans les regrets frustrés d'une vie que tu aurais mérité, m...