- ----------------OPHELIE------------------
Il dort. Il est paisible, serein.
Lentement, la lame des souvenirs la submerge.
Elle ne cherche pas à la retenir. Elle ne cherche plus à la fuir.
Elle est comme la marée du Grand Océan. Elle s'éloigne. Mais, elle finit toujours par revenir. Vague après vague, mètre après mètre, immuable, elle regagne la grève.Elle a dix ans.
L'air respire le parfum sucré des vieux meubles en bois.
Au plafond, des ombres. Sur le pas de sa porte, silencieuse, la silhouette d'un petit homme. Il se dandine d'un pied sur l'autre. Les mains dans le dos. Il n'ose pas entrer. Il a peur et elle le sait. Elle entrouvre les couvertures. Son petit frère s'y réfugie sans un mot. Peu à peu, la respiration de l'enfant devient profonde et régulière. Elle l'envie de pouvoir si facilement trouver le sommeil. Elle lui envie cette sécurité qu'elle lui procure et qui suffit à l'apaiser.
Des éclats de voix s'échappent du bistrot voisin. Elles se disputent une paires d'as. La vie serait si simple si elle pouvait se résumer à une partie de cartes. Puis, c'est au tour du moteur d'une auto de venir troubler le silence. Qui est au volant ? Où va-t-il ?
Le calme revient sur l'avenue. Dans le jardin municipal, où elle n'ira plus jamais jouer, des chats hurlent. Au premier étage, les pleurs étouffés de sa mère sont couverts par les rires télévisés.
C'est ce qui a été le plus difficile. Admettre que la Vie peut continuer. Faire semblant de sourire. Répondre aux exigences de la normalité. Effacer les traces de sa présence. Perdre doucement, le son de sa voix, la chaleur de son sourire.
Oui. C'est ce qui a été le plus difficile. Accepter l'Inacceptable pour trouver un sens à l'Absurde.
Les bravades, la vindicte, l'opprobre, les calomnies, les ragots des villageois. Tout cela n'a jamais eu d'importance. Les gens sont prompts à se repaître de la souffrance des autres. C'est le côté hideux de l'Homme. Celui qui le fait s'arrêter devant les amas de taules froissées où les maisons en feu.
Ophélie ravale ses larmes. Il ne faut pas pleurer. Il faut se battre. Toujours, combattre. Toujours, tricher.Comme son frère, elle se serre un peu plus fort contre l'inconnu. Elle l'embrasse sur le front. Elle le sent sourire. Et pour un petit instant, elle est en paix. Grâce à elle, il n'a plus peur des démons qui le tourmentent. Grâce à lui, elle a moins froid. Il fait moins vide.
Pour un instant, lui et elle se sont tenus en vie. L'un par l'autre, ils ont repoussé l'échéance.
Vivre, vivre, vivre ....
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OPHELIE
Short Story"Ne laisse pas ta flamme s'éteindre, étincelle après précieuse étincelle, dans les eaux putrides du presque, du pas encore ou du pas du tout. Ne laisse pas périr ce héros qui habite ton âme dans les regrets frustrés d'une vie que tu aurais mérité, m...