Mains jointes, elle se tient droite. Elle est troublante dans son costume de poupée. Elle laisse courir son regard sur la pièce. Elle se penche sur les partitions. Bras croisés sur la poitrine, maintenant, elle l'observe.
- Tu trembles, lui fait-il remarquer.
- Un peu.
- Tu as froid ?
Elle ne répond pas. Son attention est attirée par un vieux tourne disque:
- Il fonctionne ? demande-t-elle. Il se contente de hocher la tête.
- Qu'est-ce que tu écoutais ? dit-elle en lançant le disque.
Le Vinyle crépite dans la pièce. Échappées d'un autre temps, les notes s'étiolent.
Tandis que Gainsbourg chantonne, Martin s'avance, hésitant.
"J'avoue j'en ai bavé sans vous ... Mon Amour ...."
Sous les applaudissement d'un public fantôme, il lui tend une main timide.
"Avant d'avoir eu vent de vous ...."
Elle sourit.
"Mon amour ..."
Elle joint ses doigts aux siens.
"Ne.... vous .... déplaise ..."
Il l'attire contre lui.
"En dansant la javanaise ..."
Il aspire le parfum de sa peau.
"Nous... Nous ... aimions ...."
Ils se balancent faiblement.
"Le temps d'une .... chanson...."
....
"A votre avis .....Qu'avons nous vu .... De l'Amour ...."
Elle suffoque.
"De vous à moi .... Vous m'avez eu, mon Amour ...."
Il sent le corps de la jeune femme se liquéfier.
"Ne... vous.... déplaise...."
La voix rauque de martin chuchote au creux de son oreille.
"En ..... dansant .... la Javanaise .... "
Il l'a serre un peu plus fort.
"Nous .... Nous .... aimions ...."
Il l'a fait tourner sur elle même.
"... Le temps d'une .... chanson. "
"Hélas Avril en vain me voue .....à l'amour..."
Les yeux rieurs la renversent.
"J'avais envie de voir en vous ... cet amour."
Il effleure sa bouche du bout de ses lèvres.
"Ne .... vous .... déplaise .... "
Elle chancèle.
" En dansant la Javanaise .... Nous.... Nous aimions .... Le temps d'une .... chanson."
Il laisse courir sa main le long de sa taille.
" La vie ne vaut d'être vécue .... sans amour...."
"Mais c'est vous qui l'avait voulu ..... mon Amour...."
"Ne ... vous ... déplaise .... "
"En dansant la Javanaise ....."
"Nous .... nous .... aimions .... Le temps d'une ... chanson."
Noyée au fond de ses prunelles noires, enchainée à ce tombeau liquide, elle se laisse embrasser.
La musique cesse.
Ils s'écoutent sans bouger.
Imperceptiblement, elle s'évade de son étreinte. Elle recule de quelques pas. Ses joues ont pris la tonalité de la rosée. Elle ressemble à un petit animal apeuré. Ils n'entendent plus le public de Gainsbourg. Ils se contentent de se jauger à distance.
Bientôt, les vivats de la foule se meurent.
Il n'y a plus que le crépitement du vieux disques sur sa plateforme.
Elle revient a elle. Elle attrape son sac.
- Tu pars ? demande Martin, surpris.
- Oui.
- Mais, pourquoi ?
- On se reverra, lui assure-t-elle d'un léger sourire. On se reverra, mais plus tard.
La porte se referme sur un parfum de vanille.
- Plus tard ? dit Martin. Plus tard, répète-t-il en caressant le vieux phonographe. Toujours "trop tard!"
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OPHELIE
Short Story"Ne laisse pas ta flamme s'éteindre, étincelle après précieuse étincelle, dans les eaux putrides du presque, du pas encore ou du pas du tout. Ne laisse pas périr ce héros qui habite ton âme dans les regrets frustrés d'une vie que tu aurais mérité, m...