- Tu sais, je n'ai pas toujours été comme ....ça.
- Personne naît en étant. Tout le monde devient par la force du temps, fredonne-t-elle.
Elle lui prend la main. Silencieuse, elle déplie un à un chacun de ses doigts. De l'index, elle suit les lignes qui sillonnent sa paume.
- Que fais-tu ? grogne-t-il, mi-amusé, mi inquiet.
- Je m'assure que tu ne mens pas
Il fronce les sourcils.
- C'est absurde. Je ne crois pas à ce genre de choses.
- Moi non plus, concède-t-elle en haussant les épaules.
Il la regarde poursuivre son examen.
- J'ai cru que tu ne viendrais pas, hasarde-t-il.
Absorbée, elle ne répond pas. Elle est plutôt jolie avec son visage en forme de cœur, avec ses longs cils noirs qui papillonnent, avec ses cheveux sombres et bouclés qui cascadent autours d'elle.
- C'est ta faute, murmure-t-elle sans le lâcher.
Comme il ne dit rien. Elle précise:
- Si "Elle" est partie, c'est de ta faute, tu sais ?
Il déglutie. Ses yeux ne sourient plus.
- Ce n'est pas vraiment que tu l'aime plus, continue-t-elle.
Il inspire profondément:
- J'ai horreur de l'échec.
-- Tout le monde à peur de l'échec. Mais, toi, ce n'est pas l'échec qui te tourmente...
Il se raidit:
- C'est ridicule, tu ne me connais pas.
Elle plonge ses yeux dans les siens. Une demi-seconde. Rien qu'une demi-seconde.
- Maintenant, souffle-t-elle, je te connais.
Décontenancé, il referme brutalement son poing.
- Tiens donc ! Et moi qui croyais que tu n'y croyais pas !
Il n'y a pas d'ironie dans les yeux vert. Il plisse le front :
- D'où viens-tu ?
- Je suis d'ailleurs.
Elle regarde sa petite cuillère tourner dans sa tasse.
- On est tous d'ailleurs. Ailleurs, ce n'est pas une réponse.
- C'est pourtant la mienne.
- T'appelles-tu vraiment Ophélie.
Elle relève brusquement la tête. Un peu comme si elle était outrée qu'il mette sa parole en doute.
- Bien sûr !
Comment ne peut-elle pas avoir conscience du mystère qui émane d'elle ?
- Et bien " Ophélie"; pourquoi m'avoir reconduit chez moi ?
- Je ne sais pas.
Elle amasse les grains de sucre du bout de son index. Puis, défiante, elle ajoute très vite :
- Peut-être parce qu'il y a des choses qui m'insupporte.
- Comme quoi ?
- Comme des talents gâchés par tristesse.
- Et si elle est nécessaire, ma tristesse?
- Pour composer ? demande-t-elle, surprise.
- Oui. Oui, pour composer, par exemple.
Elle se mord les lèvres. Elle fronce son petit nez:
- Alors, j'aurai fait preuve d'égoïsme....
Le chanteur incline la tête. C'est comme s'il essayait de voir à travers. Voir, plus loin que cette façade énigmatique. Soudain, il se lève. Il fourrage dans sa poche. Il jette quelques pièces sur la table. Il attrape la main d'Ophélie et l'entraine sur le Boulevard.
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OPHELIE
Short Story"Ne laisse pas ta flamme s'éteindre, étincelle après précieuse étincelle, dans les eaux putrides du presque, du pas encore ou du pas du tout. Ne laisse pas périr ce héros qui habite ton âme dans les regrets frustrés d'une vie que tu aurais mérité, m...