Partie II / Chapitre 9

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Percy

Un nuage noir m'a voilé les yeux lorsque je me suis relevé. J'ai avancé comme un somnambule par dessus le corps d'Annabeth sans réaliser, et j'ai voulu me glisser dans l'eau du lac pour récupérer mes forces. Ce n'est que là que je me suis rendu compte que quoi que je fasse, mes pieds ne touchaient pas l'eau.

- Hey ! Ça va ? J'ai cru que "tu" ne te relèverais jamais ...

La voix était amicale, mais j'ai tressailli.

- Tu as des choses à m'expliquer, toi ... ai-je menacé.

- Mmmhm ...

Elle a acquiescé, mais son esprit semblait ailleurs. J'ai attendu la suite, qui n'a pas tardé à venir.

- Je t'attendais pour appeler Hermès, je ne voulais pas partir sans toi.

- Hein ? ai-je demandé intelligemment. De quoi ? Pourquoi partir ?

C'est à ce moment là que j'ai réalisé une chose très importante. Le corps d'Annabeth était étendu au pied de l'Athéna Parthénos, et pourtant je parlais à ce qui ressemblait à une Annabeth. Plus important encore, mon propre corps était allongé à côté du sien, alors que je me trouvais en même temps ici. Mon regard a fait la navette, passant d'Annabeth à son corps, de son corps au mien, du mien sur moi, de moi à Annabeth, etc ... Et j'ai sorti LA phrase de la journée:

- Euuuh, c'est moi ou il y a un problème ?

Mon interlocutrice a ri, et c'est là que j'ai retrouvé la Annie que je connaissais, pas celle qui s'était alliée à Gaïa, qui avait tué mon pégase, et ainsi de suite. Pourtant, ça faisait mal de la revoir. Un peu. Mais quand même.

- Oui, a-t-elle répondu après s'être à moitié étouffée, il y a un sérieux problème. Voyez-vous, monsieur Percy Jackson, il semblerait que nous soyons morts ...

Le ton morne d'un vieux professeur d'histoire m'a fait ricaner. J'avais fait la même chose quelques - semaines ? - auparavant. En tout cas, malgré le fait que je sois mort, je me sentais bien. Et surtout, mais alors surtout, il n'y avait plus personne d'autre que moi dans mon esprit. Je n'ai pas pu retenir un monumental :

- HEEEEE MACARENA !

Annabeth a rigolé de nouveau, et j'ai senti que moi, Persée Jackson, dix-huit ans et des poussières, au dernier tournant de mon existence, me sentais bien dans ma "peau". Et j'avais enfin la paix dans ma tête. Sauf sur un point.

- Annabeth ?

Elle a levé la tête vers moi.

- Avant que l'on appelle le seigneur Hermès pour qu'il vienne nous chercher pour notre dernier voyage, tu pourrais m'expliquer ?

- Je pourrais, en effet, a-t-elle lancé avec un sourire malicieux. On va s'asseoir ?

J'ai acquiescé d'un signe, et nous nous sommes donc assis sur le socle de l'Athéna Parthénos.

- Bon, qu'est-ce que tu veux savoir ?

- Mmmmh, j'ai réfléchi, comment ça a commencé.

Elle est restée silencieuse un instant, et ses yeux ont viré du gris moyen au gris intense. En traduction, miss Annabeth réfléchissait.

J'ai ajouté, pour plus de clarté:

- Et ne me sors pas le "c'était pour toi", parce que je ne risque pas de te tomber dans les bras.

Elle m'a adressé un clin d'oeil avant de commencer:

- Bon. Tu vois la façon dont Gaïa t'a rendu visite, alors qu'on allait chercher Dédale ... (j'ai hoché la tête) Donc, elle a fait la même chose pour moi. Sauf que visiblement, elle me connaissait, moi, mes qualités et mes défauts. En fait, je suis tombée dans le panneau. Je me sentais coupable à cause de ce qui était arrivé à Luke. Et puis, j'en avais marre, de ces déesses qui avaient envahi mon cerveau. Mais c'est principalement à cause de Luke, et de mon orgueil. Comme avec les sirènes. Elle m'a montré comment construire un monde meilleur, avec toi à mes côtés. Et j'y ai cru. Comme une imbécile, je l'admets. J'ai passé six mois à préparer ce qui pouvait m'être utile. Je comptais détruire les dieux, oui, mais aussi renvoyer Gaïa dans sa fosse. Je me suis prise pour plus forte que je ne l'étais. Et puis, alors qu'on s'est engagés sur l'Argo II, j'ai commencé à douter du bien-fondé de ce que je faisais. Sauf que miss terre, vu toutes les strates qu'elle a, avait mis en place un plan de secours, si il arrivait que je commence à trop réfléchir. Je l'avais "invitée" presque dans mon cerveau, quasiment comme avec les déesses. Sauf qu'à chaque fois qu'elle entrait chez moi, mes barrières mentales se disloquaient un peu plus. Je ne m'en rendais compte qu'à moitié. Je sentais que quelque chose n'allait pas, mais je ne savais pas quoi. Et puis, elle m'a invitée à venir la voir, comme quoi elle avait trouvé un partisan qui pourrait peut-être m'aider. J'y ai réfléchi, avant d'y aller, mais j'y suis allée. C'est là que j'ai presque totalement ouvert mes brèches. Elle était presque sur le point de me submerger. La promesse que je lui avais faite de n'en parler à personne m'interdisait justement d'en parler. C'est là que Nico m'a prise à discuter avec elle. J'essayais de trouver un échappatoire à ces instants, mais avec Perséphone qui avait décidé de trahir, j'étais totalement bloquée. Si je décidais de re-changer de camp, miss déesse du printemps aurait vendu la mèche. J'étais totalement bloquée, de chez bloquée, de chez bloquée. Et là, Nico a fait ce qu'il ne fallait pas. J'avais réussi à consolider mes murs, au moins un peu. Une barrière mentale se répare toute seule, mais encore plus vite si tu y aides. C'est comme si tu imaginais un bloc de ciment liquide qu'il fallait disposer aux bons endroits. Sauf que ça demande énormément d'énergie. Et en fait, j'ai perdu le contrôle en paniquant, lorsque Nico m'a posée la question. Et Elle en a profité. Elle s'est glissée à travers les endroits les plus fragiles, et a pris le contrôle total de mon corps. Un peu comme avec les eidolons de Clarisse. J'étais simple spectatrice. Une fois que je me suis calmée, et que j'ai filé, j'ai retrouvé un peu de bon sens, et j'ai renoué avec elle, sous une autre forme d'aide. Mais l'Arbre restait dans mes priorités. J'y suis arrivée, vous y êtes arrivés, et la suite, tu la connais.

Le Complot de GaïaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant