Passé et regrets

Aelie

On a passé une nuit affreuse. Il a plut jusqu'au petit matin, nous étions trempées jusqu'aux os. Selinda a des poches énormes sous les yeux. On s'est remises en route très tôt après avoir mangé une demie boîte de conserve de pois chiches. Il doit être environ 11h du matin, nos vêtements sont totalement froissés et encore humides, nos cheveux sont semblables à de la paille et on a mal aux pieds. Le sac à dos semble peser des tonnes sous le soleil brûlant mais c'est le prix à payer pour la liberté.

Nous nous arrêtons vers midi dans un petit village au bord de la route. Il y a une fontaine d'eau potable au centre de la place principale qui est déserte. Nous nous jetons dessus : ça fait à peu près 12h que nous n'avons pas bu. On s'installe sur la margelle en pierre qui entoure la fontaine et finissons notre boîte de pois chiches.

Je referme le sac, prête à repartir quand soudain Selinda se lève d'un bond et court à l'autre bout de la place. Je la suis, mon sac à dos sur les épaules. Elle me désigne alors une affiche placardée sur un mur :
- Et bah, ils ont pas perdu de temps !
- Quoi ?
Je fronce les sourcils et observe l'annonce de plus près : on y voit nos visages avec nos noms et prénoms ainsi que notre matricule. Toute personne qui nous verrait ou donnerait des infos à la police permettant de nous retrouver empocherait 1000 dollars !
- Non mais sérieux ?! Regarde moi cette tête, je suis pas du tout à mon avantage !
- T'es sérieuse, Selinda ?! On s'en fout ! Maintenant, il va falloir ce méfier 2 fois plus de ceux qu'on rencontre.

Nous nous sommes remises en marche, il devrait bientôt être 14h. On aperçois une petite supérette au loin. Elle a l'air légèrement perdu, je pense pas que le propriétaire voit beaucoup de clients chaque jour. En y arrivant, on remarque la peinture défraîchi sur le bâtiment, un 4×4 rouge abimé et la porte d'entrée cassé. Notre avis de recherche est collé sur un poteau électrique.

Une petite clochette est sur le comptoir, j'appuie 2 fois dessus. Un vieil homme sors de l'arrière boutique et nous sourit. Il porte un T-shirt beaucoup trop long pour sa maigre silhouette, une casquette des Yankees sur la tête. Il a des cheveux blancs très longs qui lui tombent au milieu du dos et quand il sourit, on peut clairement voir qu'il ne lui reste que les 12 dents de devant :
- Que puis-je faire pour vous, jeunes demoiselles, demande-t-il avec un drôle de sourire.
- On voudrait six bouteilles d'eau et comme on a pas de quoi payer, on, euh... vous repeint la façade du magasin, propose Selinda.
Le vieillard hésite longuement en se touchant répétitivement la barbe.

- Et pourquoi j'accepterais ?
- Pour la simple et bonne raison que votre façade donne pas du tout envie de rentrer dans cette boutique.
- Tu ne mâches pas tes mots toi ! Tu me plais... J'accepte votre offre. Vous pouvez commencer dès maintenant...
- Non, on voudrait que vous sortiez nos bouteilles d'eau avant. Posez-les bien en avant sur le comptoir, demande Selinda en bonne négociatrice avec un regard méfiant.
Il part à l'arrière du magasin et revient avec sept bouteilles à la main :
- Si vous faites du bon boulot, vous en aurez une 7ème.
Nous nous apprêtons à sortir du magasin pour remplir notre tâche lorsqu'il nous interpelle :
- Attendez une seconde ! Vous m'êtes familières toutes les deux...
Il regarde dehors, je suppose qu'il regarde le poteau et écarquille les yeux, en faisant le lien. Prise de panique, je décroche une lourde barre de fer d'une étagère poussiéreuse à ma droite, m'avance vers le vieux et le frappe à la tête de toutes mes forces.