15. Erza

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Après m'être rendue compte que Connor et Jenna ne nous suivaient plus, mais avaient utilisé un autre chemin, nous avions continué de marcher, d'abord dans le but de trouver un abri sûr pour la nuit sans s'éloigner de la ville dans laquelle Jen et Connor s'étaient engouffrés il y a maintenant plus d'une heure, mais aussi pour faire comme si tout allait bien. Comme si rien n'avait brusqué les amitiés. Chose totalement fausse.

Nous étions, Daniel et moi, cachés dans une grange que nous avions trouvé au milieu d'un champ. Nous avions décidé de passer la nuit sur les bottes de foin et de reprendre la route afin de retrouver le reste du groupe demain dès l'aube.

Daniel avait essayé une dizaine de fois de m'adresser la parole, en vain. Je ne veux plus qu'il soit le bienvenu dans mon monde. Alors je m'enferme dans ma bulle. Dans mes pensées, imaginant mon quotidien. En particulier ce premier jour où il a posé ses yeux sur moi :

   Teddy qui saute sur moi pour me réveiller, mon père qui m'appelle en me mettant en garde que je vais arriver en retard mais je ne bouge toujours pas de mon lit. Alors, Blue arrive, et mon cerveau réagit au quart de tour, je me précipite pendant qu'elle déjeune avec mon père et dévale les escaliers mine de rien. Nous prenons le chemin du lycée où les adolescents inondent chaque mètre carré. Nous nous dirigeons vers nos casiers, récupérons nos affaires et passons les heures de cours côte à côte, buvant les paroles des professeurs, et une fois la journée terminée nous faisons quelques tours de terrain du lycée avant de nous rendre à notre entraînement de foot. Mais comme toujours Blue surprend mon regard posé sur ce jeune homme brun. Il est là, torse nu, seul au milieu de la pelouse, slalomant avec un ballon à ses pieds, la sueur dégoulinant sur sa peau. Il se baisse pour ramasser sa gourde et ce mouvement laisse entrevoir la finesse de ses muscles. Son dos courbé se trace dans des trais parfait. Quand il se relève il nous rejoint en courant. Il rejoint Blue. Il lui demande des informations sur la soirée d'Alice. Je reste en retrait jusqu'à se qu'il me demande si j'y serai. Je ne sais pas quoi répondre. C'est la première fois qu'il m'adresse la parole en un an et je ne peux que rester ridiculement sans voix. Alors Blue répond à ma place « Bien sûr voyons, qui raterait la grande fête de fin d'année, hein Erza ? ».  Et j'aimerais la couper, lui dire que je refuse, que, comme elle le sait, je ne m'y rendrai pas. Mais je n'y arrive pas. Je suis paralysée par le regard intense du garçon sur moi. Je détourne rapidement le regard pour qu'il ne voit pas le rouge me monter doucement aux joues alors qu'il continu de me dévisager. Et alors que je crois que je ne tiendrai pas plus longtemps avant de tomber dans les pommes il répond simplement :« Alors à demain, j'espère, les filles. » comme s'il avait entendu mes prières et il disparaît de notre champ de vision en nous saluant de la main.

Et cette nuit là j'avais essayé de me convaincre que je n'avais pas rêvé. Que cette après-midi là, au milieu de ce terrain, c'était bien moi qu'il avait regardé. Juste moi.

Mais ce soir, j'essaie de me convaincre que j'ai rêvé. Que cette après-midi là, dans cette caravane, ce n'était pas de moi qu'il parlait quand il avait dit « la fille que j'aime », qu'il parlait d'une de ses nombreuses petites amies qu'il avait eu.

Je n'y arrive pas. La scène passe et repasse en boucle, sans arrêt. Je lui en veux tellement. D'avoir frappé Connor, de m'avoir insulté, et d'être aussi dupe pour croire que je lui plais.

Il se trompe. Il n'est jamais tombé amoureux. Il pense savoir ce que c'est mais c'est simplement son cerveau qui lui envoi une fausse information. C'est tout à fait possible. Après tout, les seules présences féminines sont Jenna et moi. Il n'avait pas d'autre choix que de me choisir. Alors, il l'a fait.

Je crois que je commence un petit peu à devenir folle... Mais une seule chose dans mes idées est juste et censée : Il se trompe.

Je suis sortie prendre l'air pendant que Daniel s'occupait de surveiller les alentours, à la recherche d'une quelconque menace. C'est pour ça que je cogite comme une dingue depuis près d'une demie-heure pour essayer de comprendre pourquoi est-ce qu'il a prononcé ces mots. J'arrive enfin à la conclusion que je devrais peut-être lui poser la question. Et comme ça, il constatera qu'il n'a pas de raison et il admettra s'être emporté pour rien. Le seul et léger petit détail insignifiant est ce sentiment que j'éprouve à son égard et qui m'empêche d'être normalement en colère contre lui.

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