Si t'étais normal

Chapitre 23- Notifications

Kev vint me chercher peu après midi, il se conduisit normalement avec moi et ne fit pas allusion à la scène d'hier soir entre Noam et lui.

David nous attendait dans la voiture, ses lunettes de soleil lui cachant la moitié du visage, un demi-sourire esquissé à notre vue.

Nous devions aller chez moi afin de récupérer quelques affaires. Rien qu'à l'idée de retrouver l'appartement vide, je frissonnai.

J'allais enfin récupérer mon téléphone, mes fringues, mes bouquins, mes bidules trucs (ouais je sais c'est clair comme terme).

L'éclairage était gris et maussade lorsque nous pénétrâmes dans le logement. Du sang séché se trouvait au sol, dans l'entrée. Mon sang. Je regardai Kev, qui comprit et me sourit d'un air contrit.

Trop de rimes en -rit.

Sans prêter attention au reste de l'appartement, je me précipitai dans ma chambre. Rien n'avait bougé, enfin je crois. Je cherchai mon iPhone, ne le trouvai pas. Bon, commençons par mes vêtements.

Je n'allais pas tout prendre, seulement le plus important. Je possédais neuf paires de pantalons, j'en pris six, laissant mon vieux jogging, des jeans déchirés et un slim trop long. Kev me regardait faire, il ne parlait pas beaucoup, observant mes murs. Vides de décorations, aucune photo de stars ou de mes amis. Des amis, j'en avais peu. Muriel n'était pas dans mon lycée, nous ne nous parlions que par Skype. Jeanne était en première, mais se trouvait en Angleterre pour un stage de trois mois. Peut-être m'avait elle contactée pendant mon absence. En espérant qu'elle ne s'inquiète pas trop.
Pierre était mon ex-copain, il habitait à quelques kilomètres de la banlieue de Paris. Je n'avais pas d'autres vrais amis, les gens dans mes cours de seconde et de première ne s'intéressaient pas à moi. Et je le leur rendais bien.

En pensant à tout ça, je pliais mes hauts, t-shirts, chemises et débardeurs et les fourrais dans un large sac de voyage, avec les pantalons.

Maintenant mes pulls, deux vestes, mon manteau demi-saison, mes chaussures en totalité (quatre paires de baskets dont une compensée, une paire de boots et des talons).

— C'est fou à quel point une meuf ça a de fringues.

Je me retournai vers Kev, et rétorquai:

— Et encore j'ai pas fini... Mais si tu veux pas que je t'encombre tu le dis, je peux enlever des trucs...

— Mais non t'inquiète, mon appart' est grand.

Ouf. Je ne me voyais pas me séparer d'un seul vêtement, cela me semblait le strict minimum... Il fallait que je passe à la partie sous-vêtements. Et euh, comment vous dire que Kev regardait mes moindres faits et gestes...

— Hum Kev? Tu peux me laisser?

— Pourquoi? Je te gêne?

— Tu tiens à le savoir?

— Bah...

— J'aimerai juste prendre mes sous-vêtements sans que tu connaisses chacun d'entre eux!

— Oh! Bah oui bien sûr, de toute façon à ton âge c'est de la lingerie petit bateau alors je loupe rien... fit-il avec un sourire moqueur.

Je ramassai un coussin et lui balançai à la figure, il l'évita in extremis et sortit de la chambre en rigolant.

Aha fdp.
(Pardon désolée ça m'a échappé)

Pour sa gouverne j'avais pas de la lingerie petit bateau, mais de la très belle dentelle, p'tit con va.

J'allai ensuite dans la salle de bain que j'étais seule à occuper, ma salle de bain privative quoi, pris ma trousse de toilettes et rajoutai ma brosse à dents et mon shampoing, tout le reste était déjà dedans.

Maintenant que j'avais à peu près rangé mes affaires, il fallait que je trouve mon portable. Par miracle, en soulevant un cahier ouvert sur mon bureau, je le trouvai, le branchai et l'allumai, et découvris mes notifications.

"4 appels en absence de maman"

C'est tout? Pas étonnant...

"18 appels en absence de Jeannou"

Là elle avait dû paniquer...

"8 appels Skype de Mumu"

Ça restait raisonnable...

" @kevadams @_mi_lla et 138 autres ont aimé votre photo"
Cette dernière notification me fit sursauter. Il a pas fait ça... J'allai sur Instagram, découvris quelle photo il avait aimée; une photo de moi devant le cinéma avec ma cousine Margaux. What?! Pourkeuwa ? Et dire qu'une centaine de ses fans l'avaient suivi bêtement et avaient aimé la photo à leur tour... Elles avaient dû se poser la question sur qui j'étais par rapport à Kev. D'ailleurs quelques commentaires s'affichaient sous ma publication:

"Kev a aimé ta photo"; "Il a aimé"; "Tu connais Kev?"; "Ptn Kev il aime des photos bizarres quand même"; "Cherchez pas c'est sa cousine".

Le dernier commentaire me fit pisser à la culotte de rire...

Kev dût m'entendre, car il rentra dans ma chambre.

— Qu'est-ce qu'il y a? Ça va? Tu pleures ou tu ris ?

— Je pleure de rire... T'as aimé une de mes photos sur Instagram, et évidement t'as tes groupies qui t'ont suivi et ont commenté ma photo... Askip je suis ta cousine, voilà voilà!

— Oh! Sérieux pourtant je l'ai fait vers 5h du mat' en général y a personne...

— Bah faut croire que n... Attends parce que tu cherches mon pseudo sur les réseaux sociaux à 5h du matin?

— Exactement! Ça pose un problème ?

— Non non... C'est bizarre, c'est tout.

Kev ne dit rien, balaya la pièce du regard et me dit:

— T'as pris toutes tes affaires?

— Il manque juste mes affaires de cours et c'est bon...

— Ok, j'ai juste rendez-vous avec un agent des services sociaux, pour tout mettre en ordre et tout ça...

Ah bon? C'est pas déjà fait?

— Euh ok, je savais pas... Je fais vite.

— Merci.

Il quitta la pièce en se passant la main dans les cheveux. C'était mignon.
Bon allez, je divague.

Quelques minutes plus tard, j'avais rempli mon sac de cours avec toutes mes affaires, avais pris toutes mes économies, et était même allée chiper dans la cachette de mon père, qui planquait de l'argent pour s'acheter à boire.

Je sais que ce n'était pas si énorme, mais je me sentais riche. De toute façon il faudrait que je gagne un peu d'argent de poche pour aider ma nouvelle famille et ne pas passer pour une profiteuse...