CHAPITRE 9 : Rune.

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Un week-end comme les autres, banal, ennuyeux, fatiguant. On s'est entraînés le samedi en prévision des premiers matchs qui arrivaient. Et Krista a prit plaisir à me faire chier tout le dimanche après-midi. Elle m'a fait jouer les taxis pour l'emmener au centre commercial et chez une de ses amies qui m'insupporte encore plus qu'elle. On n'a que deux ans d'écart, mais c'est une vraie gamine. En revanche quand il s'agit de me manipuler pour arriver à ses fins ça elle savait y faire.

J'étais obligé de l'attendre pendant qu'elle mangeait des petits gâteaux ou je ne sais quoi de stupide chez sa copine Julia parce que je n'avais pas le temps de faire l'aller retour. Et même si j'avais eu le temps, elle aurait dit à Mary et Georges que je l'avais abandonnée lâchement sur place ou quelque chose dans le genre. Et moi j'aurais été traité d'irresponsable qui met ma sœur en danger. Donc je préférais encore attendre sagement dans ma voiture.

J'ai pu appeler Dana, elle était libre. Les moments où elle était libre restaient assez rares ces derniers temps. J'aimais bien qu'elle me raconte un peu sa vie, dans la mesure où elle passait beaucoup de temps à écouter la mienne. Elle ne voulait rien que je lui cache et quand c'était le cas elle s'en rendait compte d'une manière ou d'une autre.

Je ne lui ai pas dit que je pouvais parler à ma voleuse. C'était un détail. Enfin je jouais un grand cache-cache avec une criminelle, mais c'était un détail.

~~

✎ Brett : Pourquoi tu ne viens pas en maths ?

✎✎ Pour me faire virer ? Pas la peine.

✎ Oui mais tu fais ça chaque semaine, qu'est ce qui a changé ?

✎✎ J'ai envie de dormir.

C'était faux.

✎ Ok, bonne nuit mec !

De toute façon autant écourter la conversation sinon il allait se faire prendre en train d'utiliser son portable et je sais qu'il tient à ce cours.

Je suis allé devant la salle de psycho un peu avant la fin du cours. Je me suis assis sur un banc trempé dehors parce que c'était le seul endroit depuis lequel on voyait passer à peu près tout le monde. J'ai attendu de voir passer une fille du cours. Une au hasard que je pourrais aller voir et qui ne pourrait pas me mentir droit dans les yeux quand je lui poserais des questions.

Je n'ai pas croisé de filles de psycho. Mais comme on était lundi matin, j'ai aperçu la fille de la bibliothèque. Et comme je m'ennuyais, je l'ai suivie. Bien entendu, elle est retournée dans son endroit favori. Je n'étais pas trop surpris.

Elle a déposé un livre sur le chariot où on rend les livres (enfin je suppose) et elle est partie s'enfoncer dans les rayons à la recherche d'un nouveau trophée. Je n'ai pas pu m'empêcher de regarder quel livre elle avait lu. C'était Faust, de Goethe. Je connaissais de nom mais... jamais lu.

J'ai voulu savoir où est ce qu'elle allait, maintenant je le savais. Et puisque j'étais là, autant lire un peu. Je n'avais jamais le temps pour ça. J'ai pris un truc au hasard, Le portrait de Dorian Grey d'Oscar Wilde. Puis je suis allé m'asseoir dans une allée. Forcément elle est arrivée.

" Tu lis quoi ? "

Elle s'est assise en face de moi, légèrement plus sur la gauche, adossée aux étagères. Nos pieds se touchaient.

" J'en sais rien. "

Je n'ai pas beaucoup prêté attention à elle, mais elle venait d'arriver et j'ai remarqué qu'elle en était déjà à la moitié de son livre. Pourtant elle venait de le commencer, non ?

" Et toi ?

- Aucune idée!

- T'en es à la moitié et tu n'en sais rien ?

- Je ne lis jamais le début. "

Quoi ? Mais c'est complètement stupide.

" Pourquoi ?

- Pourquoi tu commences par le début toi ?

- Parce que tout le monde commence par le début.

- Alors je ne suis pas comme tout le monde. "

Ca c'est clair. Elle n'avait même pas décroché les yeux de son livre en me parlant.

" Pourquoi tu me fixes ?

- Je ne te fixe pas.

- Dit-il en continuant de me fixer. "

Elle avait un rire... mignon. Ca ne lui allait pas. Elle avait à peu près trois ou quatre piercings à l'oreille, ça se voyait à travers ses cheveux. Et un collier avec une chaîne un peu particulière qui me disait quelque chose mais dont le pendentif était caché sous son t-shirt noir. Et son jean bleu était troué. Elle portait des sortes de bottines de fille, et une veste en similicuir blanc. Elle n'inspirait pas un rire mignon.

" J'ai le droit de te fixer. On n'a qu'à dire que je te surveille puisque tu me prends pour un oreiller à la moindre occasion. "

Encore son petit rire.

" Rune, enchantée. "

Qu'est ce que ça voulait dire ? Que j'avais gagné le droit de la connaître ? C'était bizarre de se présenter maintenant.

" Célim.

- T'es plutôt confortable comme oreiller.

- Content de l'apprendre. "

Notre conversation était ponctuée de silences. Le temps de lire quelques pages. Oscar Wilde n'avait pas l'air désintéressant.

" Qui t'a volé ton identité ? "

Qu...? Ah oui, le livre. J'étais parti en laissant le livre. Visiblement elle aussi c'était une curieuse. Je n'avais peut être aucun intérêt à lui répondre... Je me méfiais de tout le monde depuis cette histoire ça en devenait ridicule. Mais malgré qu'elle ne soit pas en psycho et malgré qu'elle ait l'air sincère, sa manière de parler pouvait tout à fait correspondre à ma voleuse. Du coup j'ai pris mon portable.

✎✎ Salut.

" Si je le savais, je l'aurais récupéré.

- Alors tu n'en as aucune idée ? "

✎ Salut. On recommence à zéro ou quoi ?

Ca ne pouvait pas être elle. Elle n'a pas touché à son portable.

" Au début je pensais que c'était toi.

- Moi ? Pour quoi faire ?

- Je n'en sais rien.

- Si on te vole tes oreillers tu pourras faire de moi un suspect, mais là, je ne vois pas l'utilité. "

Bizarrement, ça m'a fait sourire.

" Tu pourrais t'acheter de la bouffe, ou du parfum, ou un abonnement pour ton portable.

- C'est ce qu'il a acheté ?

- Elle.

- Volé par une fille ? Bravo. En tout cas oublie moi, je n'ai pas de portable. "

Ca existe encore les gens qui n'ont pas de portable ?

" Tu n'es pas comme tout le monde. "

Elle a sourit.

" Tu vas être en retard. "

Elle n'avait toujours pas levé les yeux, elle n'avait pas de montre, il n'y avait pas d'horloge, elle a juste décrété que j'allais être en retard, et elle avait raison. Je me suis levé et je me suis dépêché. J'ai quand même pris le temps d'emprunter Oscar Wilde. On ne sait jamais, j'aurais peut être le temps de le lire. Si Krista se sert encore de moi comme taxi.

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Numbers.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant