Il a tenu parole, il est resté debout toute la nuit. Enfin, il s'est endormi pendant à peu près une demi heure avant de se réveiller en sursaut , comme quand on s'endort au cinéma et qu'on se réveille en se convainquant qu'on doit rester éveillé.
" Dors, c'est stupide ce que tu fais. "
Pour bien montrer qu'il m'ignorait il a un peu monté le son de mon PC. Il l'avait mis sur ses genoux, moi j'en avais marre de le tenir. Et puis je ne regardais plus vraiment. Je l'admirais un peu pour rester debout alors qu'il faisait noir, qu'on était confortablement allongés dans un lit et que lui il n'avait pas pris de médicaments lui donnant des insomnies. Il avait toutes les raisons de s'endormir.
Quoiqu'il en soit, je suis allé me doucher à 5h et j'ai appelé le room-service pour qu'ils nous apportent du café et de la bouffe en tout genre. Je n'avais pas faim du tout, mais je me suis dit que monsieur-le-sdf pourrait emporter tout ça avec lui.
Cet hôtel offrait le room-service nuit et jour, je trouvais ça bien. Je me demande comment 22 connaissait un endroit comme celui là. Ca n'avait rien d'un hôtel bas de gamme et il ne l'avait pas choisi par hasard.
" Tu pars ?
- Dans dix minutes. "
Il me semble que John avait dit qu'ils partiraient tôt. Quelque chose comme 8h ou 9h. Je n'avais pas envie de rater leur départ. Et puis une des conditions de la soirée était que tout le monde devait être parti avant 4h, donc à mon avis il y avait beaucoup de ménage à faire. Je pourrai me charger de ça en attendant que les autres se réveillent.
" Je peux venir ? "
Quoi ? A 5h30 du matin ?
" Tu peux rester ici jusqu'à 10h, ca te laisse 5h pour vraiment dormir.
- S'il te plaît.
- Si tu veux. Peu importe. T'as dix minutes. "
Peut être qu'il n'avait aucun moyen de rentrer, logique. Je lui ai laissé vingt minutes en fin de compte. Il fallait bien qu'il se douche. Et avec ça j'ai pris le temps de boire mon café et d'empacter le petit déjeuner pour le mettre dans le sac plastique de 22, celui qu'il avait pris pour nos fringues. Il m'avait rendu service en pensant à mes vêtements propres, on n'a qu'à dire que je lui rendais la pareille.
" C'est bon ? On peut y aller ?
- Qu'est ce que c'est ?
- Ton petit dej.
- Je n'en veux pas. "
Ce qu'il est chiant quand il veut.
" J'ai cassé ton portable je te rappelle. "
Il a accepté le sac et il m'a gentiment suivi jusqu'à ma voiture, en passant par la réception. Il était tôt et il faisait encore sombre dehors. L'avantage, c'est que les routes étaient désertes. Une ou deux voitures dans le sens inverse mais rien d'encombrant. Je trouvais ça apaisant et agréable de conduire dans ces conditions.
Je n'ai pas pris le chemin habituel et ça n'aurait pas posé de problème si j'avais été seul mais à un moment, sans raison, 22 a eut je ne sais quelle pulsion de me planter ses ongles dans la peau en m'agrippant l'avant-bras. Je me suis arrêté net.
" AIE ! Putain c'est quoi ton problème ?! C'est super dangereux ! On aurait pu avoir un accident avec tes conneries ! Et puis ça fait mal bordel de merde ! "
Je saignais, tellement il y était allé fort. Heureusement qu'il n'y avait personne derrière nous parce que j'étais clairement en plein milieu de la route. Et lui il est resté muet, haletant comme s'il avait vu un fantôme et que son cœur battait à cent à l'heure.
" Qu'est ce qui te prend ?! Réponds ! "
J'ai attendu un peu et il s'est calmé. Il m'a enfin lâché.
" Tu peux prendre une autre route...?
- Hein ? Pourquoi ? Et surtout ne t'excuses pas !
- Pardon. J'ai peur des ponts. "
Hein ?
" T'as peur des ponts ?
- Oui.
- Pourquoi ?
- Je ne sais pas.
- T'as vécu un traumatisme avec les ponts ?
- Tu pourrais avancer au lieu de rester en plein milieu à discuter ?
- Je te rappelle que c'est de ta faute ! "
N'empêche que deux voitures arrivaient et j'entendais déjà les coups de klaxons. Du coup je ne pouvais pas avancer à proprement parler, il fallait que je me mette sur le côté et que je fasse un demi-tour impraticable et très dangereux uniquement parce monsieur n'aimait pas les ponts.
" Je ne sais pas pourquoi. Pas de traumatisme.
- T'es bizarre...
- Toi t'invites des SDF à l'hôtel.
- Je t'emmerde ! "
Non mais un peu de reconnaissance bordel ! Et puis ça le faisait rire ! Troisième fois. Il a allumé la radio. Ca annonçait une tempête de neige prévue pour lundi. Sérieusement ? On va encore rater les cours ? Depuis quand on n'a pas eu une vraie tempête de neige ? En plus vu ce qu'ils disaient ça allait être plutôt dangereux avec un confinement obligatoire chez soi. Chez soi...
" Tu vas faire quoi ?
- Comment ça ?
- S'ils ont raison et qu'il y a une tempête de neige à faire peur aux météorologistes.
- Je m'en vais.
- Tu t'en vas où ?
- Loin.
- Définitivement ?
- Qui sait. "
Je n'ai aucune idée de pourquoi ça m'inquiétait... J'avais un peu l'impression qu'il était mon investissement personnel et que s'il partait ce serait comme si j'avais fait tout ça pour rien. A quoi bon essayer de l'aider si c'est pour qu'il se barre à la moindre occasion ?
" A cause de toi je vais être en retard.
- Parce que tu crois sincèrement que quelqu'un sera réveillé à cette heure là ? "
Sourire méprisant à la con. Il avait raison, les autres ne seraient probablement pas levés. Mais à cause de son histoire de pont, j'étais obligé de rebrousser chemin et de faire tout le tour.
" Tu as peur de quoi ?
- Moi ? Rien de spécial. "
Il ne posait pas beaucoup de questions, mais à coup sûr quand il le fait je n'ai pas envie de répondre.
" Tu mens.
- Pas du tout. "
En fait, je n'ai même pas réfléchi. Il ne répondait jamais quand je lui demandais quelque chose alors je ne vois pas pourquoi je ferais des efforts.
[...]
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Numbers.
General FictionEnfant adopté dans une famille de riches. Footballeur et membre de la célèbre fraternité OMÉGA, on s'attendrait à ce que la vie de Célim Anderson soit un parfait cliché. Pourtant le jour où on lui vole sa carte bleue, un événement en apparences bana...