LOCKED {En réécriture}

∙07∙

Je regarde le ciel par la fenêtre. Toujours. Daniel conduit, et ne parle pas, mais je ne m'attends pas à ce qu'il le fasse. Nous sommes en route. En route pour la prison. Je ne sais pas à laquelle nous allons, il y en a tellement. J'espère juste que c'est loin d'ici.

Moi qui avait un petit espoir pour la liberté surveillée, c'est rapé. Je ne sais pas de quoi j'ai écopé, finalement, vu que je suis partie avant la fin. Tout ce que je sais, c'est que je vais dans une prison. Ce qui veut dire que le jugement ne doit pas être génial.

Tout me rappelle Sophie, mon père et ma mère. La balançoire qui se balance au gré du vent ? Sophie. Le restaurant italien plein à craquer ? Mon père. La boutique de fleuriste sympa ? Ma mère.

Nous roulons pendant plus de cinq heures, je pense. Assez loin. Tant mieux.

Parce que j'espère que, plus on s'éloigne, plus les souvenirs disparaitrons. Parce que même si c'est triste, ça fait beaucoup trop mal.

La voiture de police finit par s'arrêter devant de lourdes portes métalliques. Je devine que la cour de promenade est derrière.

Mais, en sortant de la voiture, les menottes aux mains, ce n'est pas par là que Daniel me dirige. Nous entrons dans la prison par une petite entrée qui donne sur le hall. Un lieu interdit d'accès aux prisonniers apparemment.

Daniel m'emmène dans une salle avec la directrice du lieu, je crois. Il repart en me faisant un petit signe de la main. La directrice, Mme Kallon, me fait passer un interrogatoire.

– Nom ?

– Leroy.

– Prénom ? En entier.

– Ambre Rachel.

– Âge ?

– Hum... Vous savez, c'est marqué sur la feuille, hein...

Elle lève les yeux vers moi, comme si elle ne m'avait remarquée.

Ce n'est pas comme si elle me parlait juste à l'instant...

– Je sais. Je le fais pour être sûre que ce n'est pas n'importe quoi.

Je lève les yeux au ciel. Comme si le juge allait marquer n'importe quoi. La confiance à l'air de marcher dit-donc...

– Donc, quel âge avez vous ?

– 15 ans...

Elle écarquille les yeux. Je ne sais pas si je dois le prendre bien ou pas.

Sûrement que non.

Bref, nous continuons, elle me pose des questions sur ma vie, et on arrive enfin à la question que je redoute le plus. Celle que je sais que tout le monde me la posera jusqu'à la fin de ma vie.

– Pourquoi avez vous fait ça ? Je veux dire vous étiez heureuse...

– Je suis innocente, je fais d'un ton neutre maintenant que je suis habituée à le répéter.

Je suis sûre qu'elle ne va pas me croire. Et ça ne manque pas. Elle hausse les sourcils sans faire de commentaires.

Très bien ferme ta grande bouche, je suis vraiment pas d'humeur.

Puis, elle aligne devant moi un encrier pour tampon et une feuille.

– Si tu veux bien faire ton empreinte digitale.

Je soupire, mais appuie mon pouce sur l'encreur, et le pose sur la feuille. Une belle empreinte noire. Kallon tend la main.

– Tes effets personnels.

– Je ne pourrais pas les garder ?

– Si, certains, mais tu vas passer la sécurité avant.

Je lui tends donc mon portable, mes clés, quelques pièces, et des chewing-gum. Elle les glisse dans un sachet plastique, et me désigne ma main. Ma bague ? Elle compte beaucoup à mes yeux, étant donné que c'était mon copain qui me l'avait offerte. Rien que d'y penser je me sens mal.

Enfin, ex je pense, maintenant que je suis en prison... Ce n'est en apparence qu'un simple anneau d'argent, mais il a une grande valeur sentimentale. Je n'ai plus pensé à Mathis depuis assez longtemps, et rien que son visage me serre le coeur. Que va t-il penser de moi ? Va-t-il croire ce que l'on dit, comme tout le monde ? Ou m'aimera-t-il assez pour me croire, malgré tout ?

Je finis par lui donner la bague, ainsi que mon médaillon.

Ensuite, elle me donne une grande plaque avec un numéro dessus. 34 734°. Facile à retenir. Kallon me demande de le tenir en dessous de mon menton, et de ne pas sourire. Elle prend une photo, de face, de côté, et de dos. J'ai l'impression d'être dans un film, alors que ce n'en est pas un, et que ça se passe pour de vrai.

Puis, elle met mes affaires dans une boite, et m'indique de passer la sécurité. Je récupère mes affaires de l'autre côté, et elle me suit. Elle m'emmène dans une salle, ou je dois me déshabiller entièrement pour vérifier que je n'ai rien d'autre sur moi.

À ma grande surprise, je n'ai pas à porter les fameux habits orange. Heureusement, je ne m'imagine pas du tout dans ces affreux tissus qui servent de vêtements.

– Non, tu peux porter tes habits s'ils respectent les conditions indiqués là haut.

– Mais... Mes vêtements sont chez moi. Ainsi que toutes mes affaires.

Elle réfléchit un instant. J'ai tellement envie de retourner chez moi. Il y a tellement de choses que j'ai laissé là bas. Tellement de chose que je voudrais voir une dernière fois.

– Eh bien, tu iras demain. Tu seras escortée de plusieurs agents, et tu n'auras le droit de remplir seulement deux sacs, c'est clair ?

– Oui, merci.

J'irais là bas. Demain. J'ai tellement hâte !

– Viens, ta chambre est là-bas.

Nous entrons dans l'espace ou se trouvent les chambres. Elle ouvre la porte numéro 7.

Je vais vivre ici pendant 45 ans... Chouette !

– Voilà.

La chambre est toute petite, seulement neuf mètres carrés. Il y a trois lits, un évier, une armoire, et des toilettes. Le tout surmonté d'une couche de poussière, et de saleté. Je me tourne vers Kallon.

– J'ai des colocataires ?!

Pitié noonnnnn... Je veux pas dormir avec des meurtriers...

– Oui, une pour l'instant, mais vous en aurez deux.

Je m'en serais doutée. Avec cette chance légendaire que j'ai...

Puis elle me pousse à l'intérieur et j'entend le cliquetis des verrous. Une silhouette est installée sur un des lits, et elle se retourne brusquement. Elle est châtain, avec des petits yeux noirs. Elle porte une tresse et, franchement, elle pourrait être jolie.

Elle pourrait être jolie. Si elle n'avait pas les dents taillées en pointe, et la bouche tailladée crispée sur un sourire psychopathe.

Je sens qu'on va s'éclater.

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~ Elsa ~