*le lendemain*
"Je suis allé chez l'avocate. T'inquiète pas, c'est mon dernier petit mot ! ;)
Michael."10H23.
Je sors pour aller rejoindre Flo au Moore Park.
Sur le chemin, mon téléphone vibre.De : Florian Andrews
Je viendrai pas seul hehe ;)Je ne réponds pas et continue à marcher. Les surprises du bouc m'effraient bien souvent.
Après cinq minutes de marche supplémentaires, j'arrive au Moore Park. Après m'être placée près de l'arbre devant lequel on se retrouve d'habitude Flo et moi, j'attrape mon téléphone et regarde quelques trucs en attendant mon ami et la fameuse "surprise" qui va avec.
Je patiente donc une dizaine de minutes avant que trois silhouettes arrivent vers moi.
"Coucou Al !, s'exclame Florian.
- Saluuuut ! Eh mais... Ryan ?
- Eh ouais c'est moiii !, s'exalte joyeusement le garçon.
Ça fait presque un an que je n'ai pas vu Ryan. Un garçon inconnu se tient à côté de lui.
- Max, je présume ?
- Oui, c'est ça.
C'est un blond aux yeux bruns. De petites tâches de rousseur ornent son nez et ses pommettes. Il a l'air un peu intimidé, mais il a du charme.
- Sois pas timide !, dit Ryan.
- Alors, elle te plaît ma surprise ?, m'interroge Florian.
- Ouiii ! Ça me fait plaisir de te revoir Ryan, et je suis enchantée de te rencontrer Max ! Que diriez-vous de nous en aller nous promener dans cette herbe on ne peut plus verte ?"
Mes amis aquiescent à l'unanimité.
Nous donnons donc chacun de nos nouvelles. Après que les garçons m'ont encouragée sur les derniers événements, je demande à me renseigner sur Ryan et Max. Cela fait en réalité sept mois qu'ils sont ensemble. Ils ont d'ailleurs emménagé dans un petit appartement il y a peu.
Je reste quand même subjuguée par le changement d'attitude de Ryan. Quand je l'ai connu, il était imbu de lui-même, à coucher à gauche à droite. Je ne sais pas si c'est le fait qu'il ait fini les cours qui l'a changé, mais il est beaucoup plus humble désormais. Et bien sûr, il ne cherche pas du tout à me faire de l'œil. Encore heureux...
Ça me fait du bien de renouer avec les anciens amis, et de me détacher de tout ce qui concerne l'affaire Harris. Même l'hôpital semble loin derrière moi.
Je me rends compte finalement que, mes amis je les compte sur les doigts d'une main, mais bordel, je peux toujours compter sur eux.
Et ça, c'est beau putain.17H49.
Cela fait presque huit heures qu'avec mes amis, on ressasse de vieux souvenirs. On a aussi déjeuné ensemble. Cependant, l'heure est venu pour nous de rentrer chacun de notre côté.
À la demande de Flo, j'amène mes camarades jusqu'à chez moi. Ils n'ont jamais vu ma maison.
"Wow, elle déchire ta maison !, s'extasie Ryan.
- Je la partage tu sais !
- Oui non mais, je sais bien, mais elle est belle !
- Et bien merci !
Flo et Max approuvent l'en-train de Ryan avant que ce dernier ne reprenne la parole.
- Bon, on va y aller nous. Maxou est fatigué.
- Mais ta gueule ! J'suis pas un gamin !"s'indigne l'intéressé.
On rigole, puis je dis finalement au revoir au trio d'amis. Ils ne souhaitent pas visiter ma maison pour le moment. C'est vrai qu'on a passé beauuuucoup de temps ensemble. Alors que les garçons s'engagent dans une rue adjacente, je me dirige vers ma maison. Je sonne à la porte tout en cherchant mes clés. Michael m'ouvre et me laisse entrer.
Je le salue, le sourire aux lèvres. Je n'ai même pas le temps de l'embrasser qu'il m'interrompt.
"T'étais pas qu'avec "ton bouc" à ce que je vois, marmonne-t-il en accentuant le "ton".
- Il a ramené des amis à lui.
- Je vois ça. T'es partie quand ?
- Vers dix heures et demi.
- Putain Al, ça fait presque huit heures que t'es avec eux !
- Euh oui et où est le mal ?
- Mais huit heures putain ! Je t'ai envoyé des SMS, t'as même pas répondu !
- Mais j'avais pas vu calme-toi il y a pas mort d'homme !
Michael se rapproche de moi.
- Je ne veux pas que t'ailles avec ces mecs, déclare-t-il d'un air sec.
Je lève les yeux au ciel en soupirant, puis me déchausse et retire ma veste.
- Je peux savoir pourquoi ? Tu leur as jamais parlé.
- Certes, mais tu as souvent appelé Florian le bouc ces derniers temps..."
Je fusille le coloré du regard. J'ai appelé "Florian le bouc" deux fois en une semaine, je ne comprends pas pourquoi il en fait un drame.
Michael reprend.
"Même Mel, tu l'appelles pas si souvent.
- Oui mais Mel, je la vois, pis les gars, je les appelle pas si souvent que ça non plus. Vous vous connaissez tous et puis quoi ? On habite sous le même toit, tu veux que je t'appelle quand on se trouve dans la même maison ?!
- Non mais oh change pas de sujet déjà. Et puis, les gars que t'as vus là, tu m'as quasi jamais parlé d'eux. Je les ai même jamais vus !
- Oui mais dès que j'en parle, ça y est, tu deviens jaloux, alors excuse-moi de nous préserver et d'avoir des amis !"
Le garçon me regarde une seconde, puis s'en va dans la chambre d'un pas coléreux.
Je ne comprends absolument pas ce qui vient de se passer. Une minute passe, puis deux, et enfin je me décide à monter à l'étage, en mettant ma fierté de côté, et en me disant que le garçon que j'aime est malheureux. En arrivant discrètement devant la porte, j'ai l'impression d'entendre Michael marmonner, s'agiter dans le lit, cogner sur le bois par moments.
La panique m'envahit. Bordel, mais qu'est-ce qui lui prend ?
J'ouvre doucement la porte. Tous les bruits cessent. Allongé sur le ventre, Michael me regarde, depuis le lit.
"Dégage.
Mon cœur me pique.
- Écoute Mike, je...
- Non mais y'a pas de "Je suis désolée" ni rien hein.
- Je veux juste comprendre.
Je rentre dans la chambre ; Michael se lève d'un coup.
- Tu veux comprendre quoi ? Pourquoi j'suis jaloux et pourquoi j'm'emporte c'est ça ? J'vais t'expliquer moi. Aujourd'hui, j'suis rentré vers genre midi, et jusqu'à six heures, je suis resté seul. Et putain, tu dois pas te rendre compte à quel point six heures, c'est long ! Vous, vous étiez en train de vous pavaner là, alors que moi, je m'apitoyais sur mon sort parce que j'avais besoin de toi et de ta compagnie de merde ! Alors ça va chez Kaitlyn, ça sort avec des amis, ça téléphone chez Florian... Je sais que je suis avec toi tous les jours, et que tu dois me supporter tout le temps, mais excuse-moi d'avoir été violenté pendant trois mois, excuse-moi d'avoir besoin de toi, excuse-moi d'être malheureux !
Il a prononcé ce dernier mot avec rage. Ses pupilles minuscules brillent de chagrin.
Je reste là, coupable, horrifiée par la détresse du jeune garçon.
- Michael, je...
Je baisse les yeux, déstabilisée par le regard accusateur du coloré.
Le pire, c'est que j'ignore ce qu'il souhaite que je dise.
Le rassurer ? M'excuser ? Ne rien dire ?
- Je savais pas que...
- Non mais c'est bon.
- Sincèrement, je...
- S'il te plaît, laisse-moi tranquille..."
Je hoche la tête, puis sors de la chambre en renfermant la porte.
En descendant les escaliers, les larmes dévorent mes jours. Je vais dans la cuisine et m'assieds sur le carrelage froid, contre un mur. J'enfouis mon visage dans mes mains. Mes idées sont confuses, je ne comprends rien.
Je n'ai rien vu venir. Je pensais qu'il avait enfoui toute cette peine, qu'il était prêt à repartir du début. Mais je me suis trompée. Ce n'est pas une question de mois, c'est une question d'années. Cela fait plusieurs années que Michael connaît Harris. Comment ai-je pu être assez naïve pour me dire qu'il allait tourner la page si vite ?
Je me dis que ce garçon a tellement fait, il a supporté tellement de choses, et notamment ce Josh... Dans mon esprit, plus rien ne pouvait l'atteindre. Mais je me suis trompée. Il reste un homme, et le tourment et les cicatrices ne se sont pas effacées.
Je n'ai pas compris l'ampleur de la situation. Peut-être n'avais-je toujours pas réalisé qu'il avait été harcelé des mois durant.
Une simple sortie avec des amis n'a pas pu le mettre dans cet état-là. Depuis environ une semaine, il a un comportement curieux : il s'énerve vite, il a peur de parler... Moi aussi, j'avais peur. Je n'ai pas su trouver les mots. Mais qu'aurais-je dû faire ? Je me dis que j'aurais dû lui parler de ces choses-là plus souvent, que j'aurais dû le prendre dans mes bras sans qu'il ne s'y attende. J'aurais dû lui montrer que je suis là. Mais je m'étais construit cette idée que rien ne l'atteignait, que ce Josh n'était qu'un incident dans sa vie pour lui.
Mais non.
Ça l'a vraiment traumatisé.
Putain, qu'est-ce que je m'en veux...
Je me hais.
Les larmes continuent à dévaler mes joues.
Après plusieurs minutes de sanglots, je décide de me ressaisir.
Allez Aliya, reprends-toi.
Bon, qu'est-ce je suis supposée faire maintenant ?
Aller le voir ou rester ici ?
Je vais attendre un peu. Notre altercation s'est déroulée il n'y a même pas cinq minutes. Il ne veut certainement pas me voir.
Après une dizaine de minutes à attendre, je décide de monter. J'ouvre la porte timidement et m'avance, honteuse. Le garçon est assis sur le lit.
Je m'assieds à son côté et pose une main qui se veut rassurante sur son épaule.
"Hey... Je suis désolée pour tout à l'heure. Je savais pas que... C'était un fardeau si lourd..."
Le garçon fixe le sol. Je ne sais pas s'il est réceptif à ce que je dis. Peut-être qu'il ne m'écoute même pas.
"Je suis désolée, vraiment... Je te promets de faire plus attention..."
Le garçon ferme les yeux et fronce les sourcils, comme s'il va pleurer, et pose sa tête sur mon épaule, ce à quoi je ne m'attends pas.
"Ça va aller..."
Michael hoche la tête. Je me retiens de ne pas laisser mes larmes couler.
Les secondes passent, puis les minutes. Peu à peu, les gorges se desserrent et les esprits tentent de se vider.22H08.
Pas de dîner pour ce soir. Aucun de nous deux n'a faim. Nous nous couchons tôt, épuisés par le chagrin. Pour la première fois, le garçon se couche avant moi. Je le rejoins une dizaine de minutes plus tard. Il me tourne le dos. J'ignore s'il dort. Je me glisse silencieusement sous la couverture. Finalement, attristée par l'espèce de froideur qui rôde dans l'atmosphère, j'enroule mon bras au niveau du ventre de mon amant. Il sursaute légèrement, ce qui me prouve qu'il ne dort pas encore. Nous sommes donc placés en cuillères, sauf que d'habitude c'est lui qui fait la grande.
Les respirations ralentissent, et nous nous endormons, alors que mes joues semblent cirées et figées à cause des larmes qui ont coulé.