Les chiffres rouge sang déclinaient le compte à rebours. La tension au sein de la salle de contrôle Jupiter suspendait les respirations, concentrait les pensées, mais n'altérait pas la course du temps vers le lancement de la fusée. Tous les techniciens installés devant les pupitres avaient leur rôle et leur importance dans l'aventure qui se dessinait.
Debout sur la plate-forme de commandement qui supervisait la mêlée d'ingénieurs et d'ordinateurs, Alech Lewandoski éprouvait une fierté particulière à diriger cette équipe, réunion des meilleurs scientifiques européens. Ses yeux gris balayaient ceux qu'il menait avec tant de satisfaction. Les spécialistes de l'Agence Spatiale Européenne, l'ESA, travaillaient d'arrache-pied depuis plus de deux ans à Kourou, en Guyane, en vue de ce jour.
Face à eux, sur l'écran géant qui couvrait le mur principal, Ariane 6 s'élevait sur le pas de tir. Autour de la cheminée de métal du site de lancement, l'agitation avait cessé. Il ne restait plus que la navette prête à partir, au garde-à-vous, direction les étoiles.
Les zéros dominaient désormais le décompte : cinquante-neuf, cinquante-huit... la minute fatidique débuta. Les techniciens avaient achevé les dernières vérifications. Tous les regards se portaient en direction du pas de tir télévisé.
Lewandoski attendait la réponse à la plus importante question de sa carrière – et de son existence, il en était convaincu : le premier vol habité cent pour cent européen allait-il quitter le sol ? Les médias s'interrogeaient depuis des mois sur les capacités de l'ESA à transformer le meilleur lanceur de satellites du marché en transporteur d'astronautes.
Cent quatre-vingt-dix millions d'Européens allaient assister au lancement soit sur place à Kourou, soit depuis leur canapé par l'entremise du réseau Euronet. Ils attendaient tous une réponse. Alech ne doutait pas de la réussite de l'entreprise, mais l'interminable chronomètre inversé l'incitait à balayer chaque palier passé, à revérifier mentalement les étapes de la conception ce projet mené tambour battant.
Sa concentration se traduisait par ses gestes lents et calculés, sa façon de se frotter tranquillement les joues à la barbe naissante, ou à ses rides de front qui ne voulaient plus disparaître de son visage de quarantenaire.
Le lanceur de la fusée s'alluma dans une gerbe de flammes. Un champignon de fumée digne d'une explosion nucléaire propulsa Ariane 6 vers l'espace sous les acclamations des hommes et des femmes qui avaient tous œuvré en vue de ce moment magique.
Quelques instants plus tard, la navette prit son indépendance pour un voyage de trois ans.
— Nous y allons, fit Alech à l'assistance comme tous les voyants passaient au vert. La mission ne fait que commencer.
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Code Rouge
Science FictionLes grandes puissances sont lancées dans une course pour la conquête de Mars. La fusée européenne Ariane 6 vient de partir et ambitionne d'arriver la première sur la planète rouge. Mais les tensions internationales sont à leur comble. La conquête de...