Jour 220

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Trois jours. Une forte dose de café. Un peu de chance. Alech avait vécu des heures difficiles, mais la Chine avait respecté sa parole et sauvé son équipage. Li Gong l'avait épaulé lors de tous ces moments désespoir où l'on pense au pire, où l'on ne voit plus d'issue. Son aide précieuse renforçait leur couple naissant et le rendait dépendant d'elle, de se présence, de ses conseils.
Malgré tout ce qu'il avait pu imaginer, il cédait sur sa règle élémentaire : la scientifique chinoise pouvait tout lui demander, il ne refuserait rien. S'en rendre compte ne le faisait pas reculer. Au contraire. À ses yeux, sa compagne méritait sa confiance. C'était ainsi.

Les circonstances exceptionnelles du sauvetage, sa réussite totale avait mis l'Europe dans une situation politique compliquée. Redevable à la Chine, l'union devait traiter avec tous les autres sous peine de s'aliéner de possibles soutiens ultérieurs. Alech savait sa place dans la balance pour avoir demandé l'aide de Chow Leung Ka Fai. Il ne s'en moquait pas et ne désirait pas que la mission revienne entre les mains d'un fonctionnaire zélé, incapable de bouger sans une directive de Bruxelles.

Sa bataille pour garder son poste se mêlait à un deuxième conflit, plus sourd, moins évident. Des mails incendiaires lui reprochaient d'avoir risqué le sort de l'expérience. Celle de Casalban. Son commanditaire, Spaceram, le poussait à contacter l'astronaute espagnol objet d'un projet secret qui pourrait faire avancer de plusieurs années la conquête spatiale. Il avait refusé, arguant du fait que les Chinois allaient tout découvrir.

Voilà que l'astronaute se surprenait à demander un entretien. Assis devant son ordinateur à attendre la connexion, Alech était inquiet.

Casalban apparut marqué par les récents événements. Les cernes noirs mettaient en avant des yeux déjà globuleux. Son visage émacié lui donnait un profil d'aigle rachitique. La lumière artificielle du module chinois le rendait pâle et son teint hâlé s'estompait.
Alech s'enquit aussitôt de sa santé.


— Je vais bien. Ce voyage est juste difficile.


En arrière-fond se devinait le long tube du camp de base, enfilade de salles aux rôles divers qui constituaient l'habitat des astronautes. Les Chinois avaient posé leur fusée sur Mars, mais ils avaient pris soin auparavant de larguer ces espaces de vie, connectés à des capsules qui servaient de sas d'entrée et de hangar à équipement. Casalban se tenait dans l'une de ces zones grises, à l'abri des regards indiscrets.


— J'ai été surpris de cet appel, fit Alech avec bienveillance. Tout va bien ? Nous sommes inquiets de la bonne marche de l'expérience.

— Je vais bien. Mon corps réagit parfaitement à Mars et retrouver une terre ferme m'a fait du bien. Mais je voulais vous demander... que va-t-il devenir ? Nous aimerions savoir.

Il. Boulanger. Suite au sauvetage de l'équipage d'Ariane, les autorités européennes avaient demandé aux Chinois de mettre le commandant aux arrêts en raison des risques inconsidérés qu'il avait fait courir à la mission et à la paix mondiale. Alech ne le regrettait pas et s'imaginait même le fauve en cage avec délectation.

— Pourquoi ? Ce n'est pas important. Spaceram ne cesse de m'alerter...

— Je vais bien et mes bras fonctionnent à merveille. Regardez.

Il agita les mains, les poignets, les avant-bras avec souplesse. Effectivement, rien ne clochait visuellement.


« Je ne suis pas la question. Vous devez obtenir quelque chose... peut-être... peut-être le laisser avec nous. »

Surpris, Alech lança un regard noir à son interlocuteur. Eric Boulanger avait tout gâché et même si cela devait être la dernière chose qu'il ferait, il s'assurerait que le comandant paie pour tout le tort causé.

Code RougeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant