Jour 30

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Un Falcon 7X en provenance de Guyane venait d'atterrir à l'aéroport Dulles de Washington DC. Sa queue arborait le drapeau européen, ses flancs le « e » perché à une lisière planète, symbole de l'ESA. À leur descente, Alech Lewandoski et Pietro Donadoni embarquèrent dans un 4X4 aux vitres fumées. Le véhicule s'engagea dans les artères de la cité capitale du pouvoir américain, fila devant le Capitole avant de longer la partie du musée Smithsonian dédiée à l'air et à l'espace.

Alech regardait la ville défiler. Les souvenirs de ses précédentes venues lui revinrent en mémoire, en particulier le hall principal du musée et son planétarium, une invitation au voyage pour le jeune homme qu'il était alors. Après avoir dépassé le périphérique, ils se garèrent devant l'immeuble de la NASA. Le long bâtiment de verre se distinguait de ses voisins grâce à l'imposant logo de l'agence sur sa devanture, les quatre lettres portées par le mouvement d'une planète, gravés dans la pierre.

L'équipe du projet européen Mars Express parcourut l'interminable trottoir au pied de la façade, passa le sas d'entrée et fut accueillie par Peter Stockton. Le scientifique impressionnait par son gabarit, ses épaules larges et son crâne rasé. Sa peau sombre, sa barbe noire et ses pupilles encore plus obscures en faisaient un bel homme, son élégance naturelle et son affabilité achevaient un tableau de grande classe.

Son accueil réveilla Alech, engourdi par le trajet et ses idées vagabondes. Ils se serrèrent la main avec enthousiasme.


— Bienvenue à Washington, dit Stockton de sa voix profonde. J'espère que vous avez fait bon voyage.

— Avion confortable, vol rapide, nous ne pouvions pas souhaiter mieux, positiva Lewandoski. Toutefois, les journées sont longues : je vous avoue que j'aurai bien besoin d'un remontant.

— J'ai prévu un sacré stock de caféine en salle de réunion.

— J'abuserai en demandant un peu de lait avec tout ça.

— Du lait et du café ? Sacrilège ! plaisanta Stockton, partant sur un rire caverneux qui emplissait les couloirs le long des opens space.


À leurs côtés, Pietro Donadoni progressait en silence, fasciné par les locaux de la NASA. Un poster du décollage de la mission Apollo 13 le poussa à s'arrêter. Stockton se joignit à lui.


— C'est beau, n'est-ce pas ? fit leur hôte.

— Oui, exceptionnel. J'ai voulu assister toute ma vie au départ d'une mission habitée. Mon rêve vient de se réaliser à sept reprises, mais le concept d'homme dans l'espace continue de me ravir. N'auriez-vous pas un double de cette image au même format ? Je l'exposerai volontiers dans mon bureau.

— Bien sûr ! Nous allons te trouver ça. Je vais le joindre aux petits cadeaux de la délégation, je ne voudrais pas que la commission des finances du Sénat me tombe dessus pour dépenses inopérantes.

Comme toujours, le passage abrupt au tutoiement étonna les Européens, peu habitués à une telle proximité. Un ascenseur les conduisit au troisième étage du bâtiment.

— Combien y aura-t-il de délégations ? demanda Lewandoski.

— Trois. Seuls les Chinois ont accepté de nous rencontrer. Leur représentante est déjà arrivée.


Ce chiffre reflétait la concurrence féroce des sept nations lancées dans la compétition martienne. La rivalité rejaillissait sur les programmes, même si Alech ne se sentait pas aussi concerné que d'autres. À la pression des vingt-six chefs de gouvernement européens, il répondait progrès, bond technologique, aventure extraordinaire.

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