Jour 399

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Cinq...quatre...trois...deux...un...

Alech s'avoua que les décomptes restaient un moment de magie, hors du temps, où seuls importaient les chiffres qui défilaient et la colonne de fumée en route vers les cieux. Il assista cette fois au décollage de la fusée en spectateur, mais put ressentir, au creux de son estomac, la tension de la salle de contrôle et la vibration des hommes et des femmes au service de la mission.

Déjà, la nouvelle navette Ariane partait vers Mars. Presque un an avait passé depuis sa démission forcée et son remplacement par Pietro. Le sentiment d'abandon avait rongé son envie de passer à une prochaine étape. Incapable de redescendre de la première marche du projet Mars Express, il avait été écarté et son ancien adjoint l'avait envoyé en délégation en Chine, afin de rendre la pareille à la CNSA. Là-bas, son idylle avec Gong Li avait continué son essor.

Pourtant, son attention était restée concentrée sur le programme Casalban en lien direct avec Spaceram. Dans ce cadre, Alech revenait enfin à Kourou afin d'échanger sur la fin des essais réalisés et livrer des clés à Pietro Donadoni, le chef de projet. Son ancien adjoint avait maigri, mais il gardait cette énergie, cette bonne humeur, cette fascination pour le voyage spatial qu'il lui enviait désormais.

Les deux hommes n'étaient pas seuls. Trois représentants de l'entreprise Spaceram, financeur de l'expérience et de Mars Express, venaient d'arriver. Des ingénieurs de Kourou se joignaient à eux, pendant que sur les écrans de la salle se préparait une vidéoconférence avec Darmstadt, au siège de l'ESA, où attendait le conseil scientifique de l'Agence, l'organe qui avait autorisé Casalban à partir.

Trois télévisions plasma avaient été mis côte à côte en bout de table et réveillaient, peu à peu, les visages des professeurs, ingénieurs et administrateurs réunis en Allemagne, neuf personnes présidées par le professeur Mateus.

Portugais d'origine, l'éminent docteur en physique avait la réputation d'un homme ouvert, jamais cantonné à sa discipline, ce qui lui avait valu d'être attaché à tous les projets innovants de l'Agence depuis neuf ans. L'innovation, un cheval de bataille technique, mais aussi dans les têtes où son management et sa clairvoyance œuvraient à pousser vers de nouveaux concepts, des idées fraîches. Parfaitement ce que représentait le cas Casalban.

Installé en bout de table, Alech attendit que tous soient attentifs. Il regarda l'écran de son téléphone où une photo de Gong Li le fixait avec intensité. Elle inspira son sourire. Il se sentit prêt et se leva, une petite télécommande à la main pour faire jouer son PowerPoint.


— Je vous remercie d'avoir réuni cette assemblée aussi rapidement, fit Mateus en roulant les r. C'est à la demande de monsieur Donadoni que nous nous retrouvons.

— Tout à fait, professeur, répondit Pietro. J'ai constaté ces dernières semaines une évolution importante de la forme physique de nos astronautes stationnés sur Mars. Comparativement à ses camarades, Ramon Casalban résiste mieux au séjour et se montre plus énergique. J'en ai naturellement déduit que cette forme au-dessus de la normale résultait de vos expériences et j'ai sollicité cette rencontre afin de connaître ce secret et d'en faire profiter les autres membres de l'équipage Mars Express.


Comme toujours, Alech voyait Pietro aller droit au but avec cette petite flamme d'excitation qui attisait son regard. Sa passion intacte tranchait avec les approches systématiques de bien des ingénieurs. Ce trait de caractère lui avait toujours plu. Le polonais eut un grand sourire en répondant à son ami :


— Je ne pense pas que nous puissions en faire profiter Boulanger et les autres. Casalban est pour le moment unique en son genre.

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