Chapitre 10

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                               Axel

Je sens sa méfiance de là où je suis. Elle me regarde de ses grands yeux verts/gris et ses sourcils froncés attestent des sentiments qu'elle porte à mon égard. Ceci dit, j'ai les mêmes. Elle aimerait marcher derrière moi, mais c'est hors de question que je laisse cette sauvage enragée être en dehors de mon champ de vision. Je ne suis pas suicidaire ! Elle est toute petite, à peine un mètre soixante, et toute frêle, on dirait qu'elle va se briser à chaque pas, mais avec la force qu'elle a démontré, autant physique que morale, mieux vaut ne pas prendre de risques, on n'est jamais trop prudent.

Mais tout de même... un autre loup-garou. Et dire que ma mère m'a seriné pendant des années que nous étions les seuls survivants malgré les massacres, et qu'il fallait pour cela que je sois extrêmement vigilant. Ne jamais, jamais croiser le chemin d'anges. Sinon, l'espèce s'éteint. Alors croiser une louve, comme moi... j'imagine déjà la tête de ma mère. Elle la traiterait en héroïne, voudrait à tout prix en faire ma femme, « pour faire prospérer l'espèce", accomplir ça par devoir. Si elle n'avait pas été massacrée par les anges, s'entend. Je les hais, je les hais tous. Si un jour j'en vois un, ce sera avec délectation que je planterai mes crocs dans sa gorge, sentir son sang couler dans la mienne, le sang chaud de la proie... reviens au présent, et concentre-toi sur elle. Vu sa tête, elle a l'air de se demander comment elle a pu accepter un truc pareil. A vrai dire, j'ai moi-même été surpris de m'entendre poser la question, encore plus de l'entendre dire oui. Inviter une inconnue chez moi, c'est teeeellement mon genre tiens.

Nous voilà enfin arrivés. Etonnamment, je ressens une espèce de honte en la voyant reluquer mon humble demeure. Mais je ne devrais pas, et je sais que c'est ce que ma mère dirait. Tout est de ma main, je dois en être fier. Je pousse la porte – en bois comme le reste de la maison – et attrape les vêtements sur mon lit/canapé, que j'enfile. Je cherche des petits pour elle, mais tous sont à ma taille. Un pantalon et un t-shirt en toile dans la main, je les lui balance et ferme la porte pour lui laisser de l'intimité. Je commence à préparer à manger, histoire de m'occuper les mains et d'être un peu plus hospitalier, et je l'entends à peine pousser le battant pour entrer dans ce qui est à la fois ma chambre, mon salon et ma cuisine. Je la vois qui observe tout, tandis que je l'observe elle.

Elle est aussi petite et maigre que ce que sa forme louve laissait supposer. Cependant, des muscles se laissent dessiner sous sa peau blanche, et elle est blonde. Aussi blonde que sa fourrure est brune. Mais je comprends l'origine de sa couleur quand je distingue parmi son abondante bien que filasse chevelure une mèche noire qui lui traverse le côté gauche du crâne. Mais alors pourquoi c'est cette couleur qui prédomine... la pièce est exiguë, et malgré sa petite taille, nous sommes serrés et nous tournons autour, au sens propre.

- Besoin d'aide ? propose-t-elle en me jetant un coup d'œil.

Elle parle comme si chaque mot lui coûtait.

-Tu peux me passer le sel s'il te plaît ? Il est dans ce placard, répondis-je en le désignant, gêné.

Elle se déplace en me frôlant malgré elle, et me passe le pot. Un silence gêné s'installe.

- C'est bientôt prêt, signalé-je pour le briser.

Elle est incapable de fixer son regard quelque part plus d'une seconde, comme une pile électrique en surchauffe. Elle a une toute petite bouche, un visage assez carré, pas vraiment féminin, ni même joli. En vérité, elle est belle, mais cette beauté qui émane d'elle vient de la sauvagerie qu'elle dégage. Elle tient plus du loup que de l'humain, c'est certain. Mais étonnamment, ses sourcils sont épilés, ses cheveux récemment coupés droit et entretenus, son visage lisse. En fait, on dirait un animal domestiqué. Je sors deux assiettes, les emplit de la purée et du steak que j'ai préparé, et lui sers le tout. Elle contemple son assiette une brève seconde avant de la prendre.

Des ailes dans le dos 2 - ReconstructionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant