Chapitre 26

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L'herbe est dure et gelée. Le jardin tout entier l'est. J'entends des pas légers s'approcher de plus en plus, avec une respiration, une odeur, un cœur que je reconnais. Le dos voûté, j'observe la neige tomber sur mes jambes en tailleur découvertes par ma chemise de nuit. Mes cuisses prennent peu à peu une teinte bleue, c'est déjà le cas pour mes pieds.

- Tu vas attraper froid, dit Emilie en s'asseyant à mes côtés.

Je tourne la tête vers elle, et souris. Elle pose ses mains sur l'herbe derrière son dos, et s'appuie en arrière. Même longueur d'onde. Elle offre son visage inexpressif au ciel noir et froid qui déverse ses larmes gelées sur nous, les yeux fermés.

- Aymeric est toujours... demande-t-elle sans même prendre la peine de finir sa question.

- Ouais.

- Merde.

Je marque un temps avant de répondre.

- Ouais.

Le silence revient.

- Comment va Axel ?

- Jalouse ?

Elle me regarde et éclate de rire.

- Il est important dis donc !

Je lève les yeux au ciel et continue à triturer les brins d'herbe. Sa voix s'intègre parfaitement dans le décor.

- Et toi ?

Son visage est toujours aussi détaché, tourné vers le ciel, mais elle ne me trompe pas.

- Abusée. Et honteuse.

Elle ne relève pas le fait que je me confie, pour une fois, ne se moque pas de moi. Les yeux toujours clos, c'est comme si elle me regardait avec amour. Je l'adore.

- Tu savais pas.

- J'aurais dû me douter. Malade ? Honnêtement ? Je suis sa fille et il m'a surveillé pendant des années, il ne m'aurait pas laissé mourir sans rien faire.

Une trop longue phrase. Le silence revient, comme pour rétablir l'équilibre.

- Je devais être sa demoiselle d'honneur.

Pas la peine de la nommer, elle est trop présente dans nos pensées pour ça.

- Félicie t'a laissé sortir ? Elle voulait me garder toute la journée, après mon malaise, dit Emilie.

- Tu es enceinte. Et me suis cassée.

Elle esquisse un sourire.

- Deux semaines putain. Le mariage.

Son sourire se fane.

- Tu devrais aller le consoler.

- Je suis pas censée savoir qu'il pleure.

Elle ouvre grand les yeux et me regarde.

- C'est ton père !

A mon tour de regarder le ciel.

- Peut-être bien, ouais.

J'inspire lentement et profondément.

- Le bébé ?

- Bien.

- Max ?

- Connard, dit-elle tout aussi platement. Tu devrais aller voir ton père.

- Pas envie.

- Nécessité.

- M'en fous.

Elle sourit.

Des ailes dans le dos 2 - ReconstructionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant