Chapitre 19

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Mentor se penche sur moi, son visage de vieillard grimaçant de méchanceté, et dit doucement :

- Tu n'aurais jamais dû partir...

Je frissonne et le plafond blanc prend peu à peu des couleurs bleutées, avant de tourner vers le rouge sang. Félicie arrive vers moi, une seringue à la main, et me la plante doucement, lentement dans le thorax, à la base du cou, pendant un temps infini durant laquelle la douleur semble s'accentuer. Puis elle tire sur l'instrument de torture enfoncé dans mon cou et je vois mon sang affluer dans la seringue, le visage de Félicie devenant peu à peu aussi rouge que le liquide qui s'extrait de mon corps glacé, lourd comme du plomb. Je tourne la tête et découvre les petits bras de Mentor qui pèsent sur les miens, me maintenant contre le lit, je veux lever la tête mais une force extérieure m'en empêche, je sens que ma force s'en va avec mon sang, soudain Aymeric arrive avec une marmite en fer qu'il renverse sur ma tête, du plomb en fusion me dégoulinant sur le front, les yeux, le nez, la bouche, le menton, répandant sa chaleur dans mon corps endormi, figé. Je respire avec difficulté, mes paupières sont si lourdes, je ne vois rien, rien qu'une lumière éblouissante qui m'aveugle sans que je puisse y échapper. Une salve de douleur rendue extraordinaire par sa puissance change la lumière et lui donne une teinte cramoisie.

Je me réveille dans un sursaut de souffrance, et un cri rauque s'échappe de ma gorge. Il me faut un moment pour réaliser que le cri animal qui emplit la pièce vient de moi, et je ferme la bouche pour le faire cesser. Je sens mon cœur tambouriner dans ma poitrine, comme un cheval dont les sabots me compressent la cage thoracique et dont l'écho se fait entendre dans mon crâne. Je sens la chaleur qui m'inonde, veux me lever pour y échapper et aller boire, me noyer sous l'eau froide, mais je découvre entravée dans mes mouvements. Impossible de lever la tête.

- Eh ! hurlé-je pour attirer l'attention de quelqu'un.

Et un visage honni apparait derrière la porte. Mentor.

- Ah ! Tu es réveillée. Comment te sens-tu ?

- Depuis quand ça vous intéresse ? craché-je en retour.

Il me dévisage, le regard sévère mais illuminé d'une étincelle d'intérêt, et s'approche. Ses mains fripées touchent mon front et je le mordrais si je pouvais bouger. Je sens au fébrilement de ses doigts qu'il enlève la sangle qui me maintient fermement immobile, et la délivrance arrive enfin. Je ne bouge pas, le regarde, hostile.

- Qu'est-ce que vous m'avez fait ? demandé-je froidement.

- De quoi te souviens-tu ?

Je le fixe, les sourcils froncés, et essaye de replonger en arrière. Cet horrible rêve, d'abord, et puis... cette aiguille, une aiguille ? Et enfin, après l'aiguille se fait la lumière dans mon esprit. Son visage, celui de l'infirmière, remonte plus loin Thana, l'infirmerie et ses murs blancs, une discussion... quelle discussion ? Une migraine commence à toquer au coin de ma tête, la douleur se fait lancinant, plus ciblée dans mon crâne.

- De quoi a-t-on parlé avant que vous ne m'endormiez ? demandé-je posément, me sachant blanche de rage.

Félicie entre à ce moment-là.

- Thana ! Tu es réveillée ! Comment vas-tu ?

- De quoi a-t-on parlé avant que vous ne m'endormiez ? répété-je, glaciale.

- Tu n'as mal nulle part ? demande-t-elle en ignorant ma question.

- A la tête. Et j'avais mal à la base du cou en me réveillant. Maintenant répondez à ma question.

Des ailes dans le dos 2 - ReconstructionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant