bribe

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AVANT-GOÛT
segment indépendant du reste de l'histoire

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L'homme titube sur la route. Sa silhouette est vague, et les pas qu'il fait sont hésitants, comme s'il apprenait encore à marcher. Ses yeux fixent le vide, et sur son visage ne repose aucune émotion. Il glisse, sur le goudron, en faisant claquer ses épaisses chaussures sur le sol, guidé par la terrible odeur de viande qui hante les avenues. Il y en a un autre comme lui, sur le trottoir. Il marche plus rapidement, et si ses gestes paraissent plus déterminés, il a les même yeux éteints.

Une syllabe sort de la gorge de l'un lorsqu'il essaye de s'exprimer, un haussement d'épaule secoue le corps de l'autre. À leur pied, il y a la chair. Ils plongent leurs doigts à l'intérieur de cette chose déchirée depuis quelques heures, et laissée là, comme un vulgaire sac poubelle. Parmi les décombres, on reconnait des formes... Une jambe... Une main... Un visage... et un sac-à-dos, abandonné par son propriétaire qui gît dans son propre sang, les membres écartelés par ceux qui ont précédés les deux vagabonds.

L'un arrache un morceau du ventre de la victime, et le porte à ses lèvres abîmés, tandis que l'autre se jette sur le cadavre, en enfouissant son visage entier dans les entrailles de celui qui est déjà mort.

En face d'eux, une voiture est garée. Sa peinture rouge s'effrite, et ses pneus sont presque à plat. Un de ses phares est brisé, dû à un vieil accident. Une plaque d'immatriculation occupe l'avant, mais une couche de poussière et de crasse s'est installée dessus, laissant les chiffres qui l'identifient invisibles pour nos yeux. Ses vitres sont fermées, et à travers la matière qui n'est plus transparente, on devine les traits d'une jeune fille, le regard fixé sur ceux qui sont en train de se faire dévorer. Elle pleure.

Les joues humides, elle reste calme, les yeux gonflés par le désespoir qui l'occupe depuis déjà plusieurs heures. Les bras enroulés autour de ses genoux écorchés, ses mains tremblent, et elle ferme ses paupières très fort, en espérant qu'il ne s'agit que d'un rêve. Elle se dit qu'elle n'a plus rien à faire, plus de raison d'être, dans ce nouveau monde.

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