Nyctalope [n.m.] qui a la capacité de voir mieux dans la pénombre que dans la lumière.
Dans un monde peuplé d'êtres cannibales et dangereux, trois adolescents vont se lancer dans le plus périlleux des voyages. Ensembles, ils feront tout pour rest...
Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou télécharger une autre image.
Moi, Jordan, une adolescente qui se plaignait un peu trop souvent, j'étais devenue une vagabonde. Je ne sais pas exactement combien de jours j'avais passé dans la voiture de mes parents, à pleurer. J'étais sortie par l'autre côté, mon maigre sac sur les épaules, le corps engourdi par l'angoisse. Je n'avais aucune idée d'où j'étais réellement, et mes journées se résumaient à chasser des boîtes de conserves et un endroit sûr où passer la nuit. Au début, c'était facile. Les parasités se faisaient rares, et les épiceries étaient plutôt nombreuses, sur le bord des routes. La lame de mon poignard a rencontré plusieurs fois le crâne d'un affreux, et pour passer le temps des journées trop longues, j'écorchais l'écorce des arbres de mon arme.
Les paroles me manquaient. Je chantais souvent, pour me rappeler que j'avais une voix au fond de ma gorge. J'essayais de ne pas devenir folle, même si la présence humaine me manquait cruellement. Au bout de six jours, j'ai arrêté de compter le temps qui passe. Je courrais pendant des moitiés de nuit et des moitiés de journées, je dormais dans la première voiture qui fermait à clé que je pouvais trouver.
La vérité, c'est que le sommeil ne venait jamais. La peur me tenait éveillée, dans toutes les circonstances. Je n'ai jamais véritablement eu la chance de passer une nuit de sommeil pendant cette période ; mes mains étaient trop crispées, mon cœur résonnait trop fort.
Je pense que je perdais peu à peu mon langage. Mes mélodies ne devenaient plus que des syllabes hachées par la fatigue, et l'image d'un visage humain comme le mien semblait de plus en plus flou. J'étais seule, et c'était terrifiant.
J'ai ce souvenir, de cette période. Je marchais sur une route, le visage sale, les poumons troués par la poussière qui les occupaient. Il y avait des arbres à mes côtés, et j'avais mon arme en main, craignant de voir surgir des parasités à tout moment. Et c'est à ce moment que je l'ai entendu : le bourdonnement lointain d'un véhicule. Mon cœur s'est emballé quand je me suis retournée, et au fond de la route, comme un insecte vrombissant sur une feuille, il y avait une voiture. Elle roulait vite, et j'ai levé les bras. J'ai crié, je crois, alors que l'espoir et l'excitation me prenait toute entière. Des survivants, en voiture ! C'était un pick-up, une voiture américaine, qu'on utilise dans les grands espaces pour plus facilement déplacer de gros volumes.
Il ne s'est pas arrêté. J'ai croisé les yeux tristes du conducteur, qui a appuyé sur l'accélérateur quand il est passé à côté de moi.
—Non, non, non... j'avais commencé, avant de me jeter sans aucun espoir à sa poursuite.
Je m'étais essoufflée pour rien, j'avais usé mes jambes, mon air. Mon cœur, aussi, même si celui-là était déjà pas mal abîmé. Ce soir-là, je crois que j'ai pleuré. Voilà qui n'était pas vraiment différent de tous les autres soirs, à vrai dire, mais cette nuit-là, j'avais de la rage dans mes poings serrés et une colère nouvelle dans mes sanglots. C'était ça, ce qui restait de nous ? Une bande d'êtres humains qui se disent qu'il vaut mieux ne pas recueillir les autres survivants, parce que les rations sont déjà trop petites ? Parce qu'il n'y a pas assez de place pour deux corps dans une couchette ? Le cours de ma vie était aussi brouillé et incompréhensible qu'un mauvais signal radio. Ça se trouve, cette voiture n'était jamais passée devant moi, et cette scène n'avait jamais eu lieu. Que voulez-vous ; ce nouveau monde a plutôt tendance à vous rendre fou.
