QUINZE | LES PAQUETS DE CHIPS

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NYCTALOPES
CHAPITRE 15

Le village dans lequel nous nous sommes retrouvés a des maisons rouges

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Le village dans lequel nous nous sommes retrouvés a des maisons rouges. Leurs murs sont recouverts d'une épaisse peinture pourpre. Quand Nick a vu le premier bâtiment, il a dit :

— Putain, ils ont peint les maisons avec du sang ! avec la même tête de celui qui venait d'apercevoir le diable.

La couleur a commencé à s'écailler, et on aperçoit la douce couleur du blanc qui réapparaît au-dessous.

Les commerces semblent presque intacts. Un café est détruit jusqu'au plafond, mais c'est bien l'un des seuls bâtiments qui a souffert. La plupart ont un rideau de fer fermé, et leur intérieur reste invisible pour nos yeux. Est-ce que c'est possible qu'il y ait des survivants à l'intérieur ? Des hommes, des femmes en train de grelotter, morts de peur alors qu'ils entendent encore des pas inconnus le long de leurs rues, nos pas ?

Au bout de la rue, il y a un tabac. Voilà longtemps que les néons de son insigne ne se sont pas allumés, et j'ai l'impression que la poussière l'a complètement envahi. Les lettres qu'il présente sont méconnaissables derrière cette épaisse couche de crasse.

Une étendue de ciment abîmée précède l'entrée du magasin. Là où normalement devrait se dresser des cartes postales, des t-shirt à cinq euros et des serviettes de bain, il n'y a plus que les présentateurs renversés, qui coulent sur le sol détruit. Leurs bras de fer noirs sont déformés, tendent vers la rue, comme si ils voulaient désespérément sortir de l'ombre. Derrière la vitre complètement brisée, on voit encore les formes carrées du comptoir derrière lequel devait se tenir une femme, enfermée par des noms de marque de cigarette et des tickets de loto. Le mur derrière elle est rempli de petits paquets de papier, enrobés dans une fine couche de plastique. Les cartes de jeu sont éparpillées sur le sol, et j'aperçois la caisse du magasin, la gueule ouverte. Le dernier petit malin qui est passé par là pensait peut-être que quelques billets de banque le feraient vivre plus longtemps.

Nous ralentissons. Je pense qu'on a tout les trois besoin de s'imprégner de l'odeur de poussière et de papier qui plane dans les environs. On a besoin de regarder un endroit, d'imaginer la vie humaine s'y dérouler. On a besoin de se rattacher à des vagues souvenirs, des images auxquelles on ne faisait jamais attention dans notre vie d'avant, et qui sont incroyablement précieuses aujourd'hui. Deux gosses en colère, qui se tapent dessus à côté d'un table de terrasse, où une fille sur un banc, un journal à la main, sans expression sur le visage. Une servante qui répète la même chose toute la journée, un homme qui regarde le vide, une tasse de café fumante devant lui. On a besoin de se souvenir que nous n'étions pas que des fantômes, des survivants perdus. On a besoin de se rappeler qu'il y avait un temps où ce monde était le nôtre. Et peut-être, si rapporte cet antidote, qu'il pourrait l'être de nouveau.

— J'ai faim, dit David, et je m'approche du distributeur poussé contre un mur grenadine.

— Si tu veux, je te paye un kinder, je lui lance en posant la main contre la vitre.

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