HUIT | LES CIGARETTES

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NYCTALOPES
CHAPITRE HUIT

Je ne pense pas que ma montre est à l'heure

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Je ne pense pas que ma montre est à l'heure. La trotteuse semble tressaillir à chaque saut qu'elle fait, et le mécanisme de ce piteux objet est toujours en marche après deux bonnes années. Je ne serais pas surprise de la voir mourir aujourd'hui. Je ne lui fais plus confiance, et je vis avec le soleil à présent. Quand il se lève, je fais pareil, et quand il n'éclaire plus les routes, je ne marche plus dessus.

Un jour, en SVT, on m'a appris que les êtres humains avaient un rythme de vie très différent que celui du soleil. Si on les fourre sous terre pendant un bout de temps, sans indicateur temporel, sans lumière du jour, on se rend compte qu'ils passent beaucoup plus de temps éveillés, et moins de temps à dormir. Au final, au lieu d'avoir des journées de vingt-quatre heures, notre corps est capable de tenir aux alentours de trente-six heures. « Parce qu'on s'adapte », avait dit monsieur Loiseau. Est-ce qu'il s'est adapté à ce nouveau monde, lui ? Peut-être qu'il est avec son fils, à se terrer, à survivre. Ou peut-être qu'il fait parmi des bouffe-merde, sans vie dans ses yeux, sans de sang dans ses veines. Ce serait drôle, de retrouver un prof pendant une apocalypse, vous ne trouvez pas ?

Jordan ? Tu peux me rappeler pourquoi le corps se rigidifie après la mort ?

— Parce qu'il retourne à la nature ? À l'état d'une pierre ?

— Non, Jordan. C'est à cause du calcium, dans les cellules musculaires. Je t'avais expliqué, pourtant, quand le dernier parasité nous a attaqué. Le prochain qui nous embête, on pourra voir à quoi ressemble son cerveau, s'il reste quelque chose là-haut.

On peut s'imaginer rencontrer plein de différentes personnes dans une apocalypse. Des fois, on aimerait bien rencontrer le président de la république, juste pour pouvoir se ficher un peu de sa gueule, et d'autres, on aimerai bien rencontrer un policier super brave, qui ressemble à un cow-boy et qui saurait nous protéger mieux que personne. C'est toujours amusant de s'amuser les différentes têtes qu'on peut croiser. Bien sûr, ça n'arrive jamais, et les seules figures qu'on croise, c'est les faces pourries des parasités.

Je ne sais pas depuis combien de temps on marche. On guette chaque sortie, pour être sûr de ne pas la rater. Par moment, les garçons lâchent un « J'ai faim » ou « On peut s'arrêter deux minutes ? » La seule pause qu'on a fait, c'est quand on avait tous besoin de se soulager, et qu'on s'est engouffré dans les broussailles, pour pisser sur le coin de l'autoroute.

— Dis, pourquoi on est à la sortie 20 là ?

Je me tourne vers David, qui s'est planté au milieu de la route, devant l'embranchement qui permet de sortir du circuit. Je lance une exclamation, les sourcils froncés, et me dépêche de le rejoindre là où il se poste, pour voir de quoi il parle. Je sens Nick faire la même chose, le cou tendu vers l'insigne qui indique bien la sortie numéro 20.

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