NYCTALOPES
CHAPITRE 19J'ai les yeux qui ne sont même pas capables de se concentrer sur une seule chose. Les immeubles commencent à se dresser autour de nous, et mon oreille bat comme un cœur qui court à la mort. Je sens un liquide se répandre jusque dans mon cou et sur ma poitrine ; l'odeur du sang me prend, en plus de celle de la chaire déjà morte des parasités.
David reste derrière nous, son arme tendue au bout de ses deux mains, le canon pointé maladroitement vers la foule. Mon regard l'effleure au moment où il fait chanter ses coups de feu. Les monstres de derrière ne s'arrêtent pas lorsque l'un d'entre eux s'écroule comme un animal mort, et en l'espace d'une seconde, je réalise avec effroi que c'est tout une armée de morts qui nous court après.
On est foutu.
Nick hurle lorsqu'il prend à droite, et qu'il découvre avec effroi un nombre insensé de bouffe-merde. Ils se taisent tous pendant une fraction de seconde, soudainement, l'un d'entre eux hurle :
—ILS SOOOOO...
Leurs mains se tendent vers nous et ils nous prennent en chasse. David a dû comprendre que ça ne servait à rien d'essayer de leur exploser le crâne à coup de balles d'acier ; même si ils étaient immobiles, nous n'aurions même pas assez de minutions pour tous les envoyer en enfer. Comme un bourdonnement infini, les paroles mâchées de nos poursuivants semblent provenir de toutes les directions. À mes côtés, des tours aux vitres explosées nous dominent, des sourires invisibles taillés dans leurs corps de verre et de ciment.
Tout est fermé à double tour ; les grandes étendues transparentes sont parfois marquées d'une longue rayure, les portes des halls d'entrée sont parfois cabossées et déformées, mais aucune ouverture ne peut nous laisser pénétrer dans un des bâtiments. Je n'ai que ma carabine sur mon épaule, et je m'y agrippe pour ne pas la perdre à cause d'un geste maladroit. Les poumons en feu, les jambes folles, je fais de mon mieux pour accélérer, et pour ne pas trébucher sur le goudron qui semble se faire de plus en plus épais sous mes pieds.
— Droite, droite ! annonce Nick, en voyant que devant nous, un groupe de parasités s'est aperçu de notre présence.
David claudique derrière moi, en hurlant qu'il faut se dépêcher, qu'ils ne sont que trois pas derrière nous. La ruelle dans laquelle nous nous engageons n'est qu'un espace étroit entre deux immeubles de verre, et au moment où je relève la tête, je me rends compte que l'on vient de faire la pire des erreurs. On s'est fourré dans un cul-de-sac. David n'hésite pas, mais au moment où il fait demi-tour, la vague de parasités surgit. Ils courent comme des fous, et le cœur au bord des lèvres, je continue de courir vers la fin de la ruelle.
— Là, l'échelle ! La poubelle !
David gueule à s'en déchirer les poumons. Des barreaux peints en noir mènent au sommet de l'immeuble. Le premier est trois mètres au-dessus du sol. Leur éclat grotesque semble nous narguer alors que nous grimpons tous les trois sur la poubelle juste au-dessous. J'attrape la main de David en hurlant, alors que je sens les doigts des bouffe-merde me frôler le pantalon. Je me lève, en envoyant des coups de bottes sur les visages décomposés des cannibales.
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Nyctalopes
Science FictionNyctalope [n.m.] qui a la capacité de voir mieux dans la pénombre que dans la lumière. Dans un monde peuplé d'êtres cannibales et dangereux, trois adolescents vont se lancer dans le plus périlleux des voyages. Ensembles, ils feront tout pour rest...