Chapitre 22 : Retour au sable

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Le vent puissant soulevait les cheveux de Féline. Après avoir quitté Hamilton, Flamme, Wiskers, ses deux hommes et elle étaient montés sur le dos d'oiseau Rokh de Chasseur. Elle était assise en tête, très près des ailes de l'immense aigle. Cela devait faire bientôt une heure qu'ils volaient et Féline attendait toujours très sagement assise sur le doux duvet de plumes. Ses cheveux, bien que courts, étaient soulevés par le vent violent créé par la vitesse de son ami. Mais cet air lui fouettant le visage n'était pas désagréable, au contraire, elle aimait ce courant frais faisant voler ses cheveux. Confortablement installée sur le dos de l'oiseau, la jeune femme regardait défiler les montagnes et les plaines enfouis sous une épaisse mer de nuages. Elle avait toujours peur de la hauteur, mais comme l'oiseau Rokh était vraiment immense, elle se sentait sur son dos comme dans un fauteuil, mais bien évidemment sans dossier. Bientôt, un océan, ou une mer se fit voir. Féline réfléchit un instant. On venait de quitter la France pour un désert africain. C'était donc la Mer Méditerranée. Puis passa la Corse, puis la Sardaigne, et enfin on atteignit le continent africain. Elle se retourna pour voir ses amis, et vit Flamme, souriante, comme toujours, suivie de Wiskers, son père, râlant, comme toujours, puis des deux hommes. L'un d'entre eux était impassible, droit comme un i et faisait fièrement son travail de garde, tournant presque au ridicule. Le deuxième ouvrit sa grande bouche pour bailler et s'affaissait lentement sur son collègue de devant qui le repoussait d'un violent coup d'épaule. Il se redressait alors, pris d'une violente secousse, respirant rapidement, avant de reprendre fièrement son travail... et de replonger dans un sommeil de courte durée.

Le voyage dura quelques heures. Tout le monde dormait, de la souriante Flamme, jusqu'au garde somnolant, en passant par l'arrogant Wiskers, le garde sérieux et la fière Féline.

Quand Chasseur atterrit, toute la troupe se retrouva au sol, tous entassés. Le garde-somnolant se retrouva tout en dessous de la tour humaine. Féline, par chance, se retrouva tout au dessus, portée par Flamme. Elle se redressa habilement, puis aida Flamme, laissant son père se débrouiller seul.

-Alors, reprit elle, comment allons-nous procéder ?

-Je ne sais pas, dit Flamme.

-Qu'est-ce qu'on fait ici ! Hurla Wiskers.

-Parles moins fort, s'il te plaît, demanda de sa voix calme et arrogante la jeune voleuse.

-Je n'ai pas que ça à faire, moi ! Continua-t-il d'un ton tout aussi fort.

-Et bien saches que tu n'es pas obligé de nous aider, rétorqua Féline. Mais ne compte pas sur nous pour te ramener chez toi.

-Co... comment oses-tu ! Tu es ma fille !

-Oui, je sais.

-Tu dois m'obéir !

-Je suis majeure.

-Tu... tu...

-Je refuse de continuer cette conversation hystérique. Où sommes-nous ?

-Je nous ai posés à quelques kilomètres du village, pour que nous ayons le temps d'échafauder un plan avant de nous faire remarquer, répondit Chasseur, qui avait retrouvé sa forme humaine mais était toujours couvert de plumes.

-Très bien. Il est alors temps d'y réfléchir, à ce plan... Une idée ?

Voyant que personne ne bougeait d'un pouce et que tous regardaient leurs pieds en signe de négation, elle reprit :

-Je me demande s'il vaut mieux le tuer ou le faire emmener par la police. Il est clair que ce qu'il fait est totalement illégal. Il abuse de tout une population qu'il tient pour esclaves, il détourne l'eau de toute une rivière pour avoir une grande demeure et un grand jardin verdoyant en plein désert... Aucun permis de construire ne lui aurait jamais été attribué... Je pense que tout chez lui est illégale. Et surtout inégale. Mais aucun rapport. Alors, on choisit quoi ?

-Je vote pour le dénoncer, dit Chasseur en levant légèrement la main.

-Non ! Je vote pour le tuer ! Rétorqua Wiskers sur un ton énervé, si on fait venir la police ici, on est morts !

-Moi, je vote comme vous, Maître, continua le soldat droit, les yeux presque fermés, sans bouger d'un pouce, si bien qu'on aurait eu peine à dire de qui venait cette parole. Et je suis sûr que Gilles fera de même... Hein, Gilles ? Gilles !

Gilles, que l'on devinait être l'autre soldat, dormait à moitié, n'écoutant absolument pas la discussion.

-Hein ? Se réveilla celui-ci.

-Tu es d'accord, n'est-ce pas, Gilles ? Répéta le premier soldat.

-Oui, bien sûr.

-Ça ne compte pas, rétorqua Chasseur. Ces deux-là ne comptent pas. Ils n'expriment pas leur vrai avis.

-L'avis du Maître est toujours le meilleur, répondit avec un ton calme et serein le premier soldat.

-Oui ! Bien sûr ! Ironisa Féline. Et tuer ma mère, ça, c'était une bonne idée ! Très bonne !

-Féline, ça n'a aucun rapport. Dit Wiskers. Et regardes ce que tu es devenue ! Tout ça, c'est grâce à moi !

-c'est plutôt à cause de toi ! Rétorqua-t-elle. Et bien sûr que si, ça a un rapport ! C'est exactement pour ça que je te déteste ! Je te hais, même ! Ma mère, elle, je l'aimais, et toi tu l'a tuée...

-Calmez-vous, on est pas là pour ça, essaya Chasseur.

Féline tourna le dos à son père et se mit à genoux dans le sable, en pleurs, séchant ses larmes de son bras nu.

-Je pense qu'il vaudrait mieux faire venir la police, objecta Flamme. Sinon, nous aussi on ira en prison.

-Oui, tu as raison, dit Féline en se relevant, le visage impassible et sec.

-Mais comment ferons-nous ? Demanda Chasseur.

-Nous allons faire une mise en scène, affirma Féline en se retournant, un léger sourire au coin des lèvres.


Le Chat NoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant