Chapitre 28 : maudits à vie

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Féline était assise dans une grande salle blanche, comme toutes les autres, et vide. Elle était dos à la porte et regardait l'extérieur à travers une énorme baie vitrée. Elle avait sûrement entendu les pas, car elle s'écria :

-Sortez ! Je ne veux voir personne.

-C'est moi, Féline, l'informa Chasseur.

-Ah... C'est toi... viens, alors.

-Je... je suis désolé... C'est ma faute, tout ça...

-Non, ça n'est pas ta faute. C'est sa faute... et la mienne... Mais tu n'as été qu'une victime dans tout ça. Tu n'y es pour rien.

Au moment où Chasseur se baissa pour s'asseoir à côté d'elle, Féline agrippa son cou et l'embrassa.

-Je t'aime Chasseur, murmura-t-elle.

Quand Flamme entra, ses deux amis étaient en train de s'embrasser.

-C'est beau l'amour, affirma-t-elle.

En l'entendant, Féline lâcha Chasseur et marcha à pas rapides vers la porte à gauche de la baie vitrée. Elle s'écria alors, sur un ton énervé et plein de reproches :

-J'ai dit que je ne voulais voir personne.

Et elle sortit de la pièce, claquant la porte derrière elle.

Flamme s'approcha de Chasseur, qui n'en revenait pas de ce qui venait de se passer.

-Bah merci, ironisa-t-il, évoquant ses reproches.

-Alors comme ça, tu es amoureux d'elle ?

-Non, pas du tout ! s'énerva-t-il. Je l'embrasse mais je ne l'aime pas du tout !

-Désolée...

-Je me demande vraiment, ajouta-t-il avant de partir, si je suis en train de vivre un rêve ou un cauchemar.

La porte claqua pour la seconde fois.

Chasseur courut dans les couloirs. Il voulait rattraper Féline. Il suivit le long corridor, n'ouvrit aucune des nombreuses portes qui l'ornait. Il monta un escalier, puis se retrouva dans un couloir qui ne comportait aucune portes, seulement une tout au fond du couloir. Sur la porte, était gravé, en lettres maladroites : FÉLINE.

Chasseur toqua, puis entra. Il se retrouva dans une grande pièce, remplie d'un lit, d'étagères pleines de livres, et d'autres meubles diverses. Sa chambre, assurément. Féline était allongée sur son lit, dans l'angle de la pièce. Elle pleurait sans doute. Par terre, un nounours avait un œil en moins, les membres coupés par endroit, de nombreuses cicatrices, et montrait bien les tourments d'une enfant élevée dans la haine. Les meubles de bois étaient abîmés, taillés par le poignard qu'un père aurait donné à une enfant comme peluche.

Chasseur referma doucement la porte. Il s'approcha lentement du lit de la jeune femme. Elle était allongée sur le ventre, le visage couvert par ses cheveux, la tête dans ses bras croisés.

Le jeune homme se mit à genoux à côté du lit et posa délicatement sa main sur le cou recouvert de cheveux de son amie. Celle-ci sursauta, redressa la tête. Elle avait les yeux rouges, les joues recouvertes de larmes.

-Je ne voulais pas le tuer, Chasseur... réussit-elle à articuler dans un sanglot.

-Je sais, je sais.

Elle l'enlaça et se mit à pleurer de plus belle. Chasseur resserra ses bras autour de ses épaules pour la consoler. Lorsqu'il la lâcha, il lui fit remarquer :

-Ton nounours est bien abîmé...

-Oui. C'est ma mère qui me l'avait donné, expliqua-t-elle en ramassant la vieille peluche et en la caressant. Il a beaucoup souffert. Mais il s'en est toujours tiré. Comme moi.

La jeune fille fixa le sol, un instant, avant de poursuivre :

-Tu sais ce qu'est la devise, en quelque sorte, de notre famille ?

-Non...

-Quand on naît Wiskers, on est maudit à vie.

-Mais pourquoi ?

-Parce que c'est vrai ! Regardes ! Même sans forcément vouloir de l'argent, même en voulant changer la donne, je finis voleuse et meurtrière ! Les Wiskers l'utilisaient pour dire à leur fils – jusqu'à moi – que, quoi qu'ils fassent, ils seraient maudits, et que ce n'était pas la peine de faire de bonnes actions... Mon père me l'a dit, mais ma mère m'a dit que c'était faux, elle...

Féline éclata de nouveau en sanglot.

-Mais qu'est-ce que je vais devenir, s'interrogea-t-elle en se levant de son lit et en se dirigeant vers la fenêtre la plus proche. Suis-je maudite à ce point ? J'ai tué mon père... Ma mère aurait mieux fait de ne jamais partir avec lui... ça leur aurait évité la mort à tous les deux...

Chasseur se leva à son tour et se dirigea vers elle en disant :

-Moi je suis plutôt content que tes parents se soient rencontrés...

-Pourquoi ? Demanda-t-elle soudainement en se retournant.

-Parce que sinon, tu ne serais pas là, devant moi, tu n'existerais même pas... et je ne pourrais pas t'aimer...

Son visage s'approcha lentement de celui de la jeune fille et leurs lèvres entrèrent en contact.


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