Le Chat Noir

Chapitre 11

Féline s'approcha de la vieille masure. On voyait comme une sorte de bar, toujours en bois, au dessus duquel on devinait une ouverture à hauteur de tête, cachée par une trappe s'ouvrant de gauche à droite depuis l'intérieur.

Féline toqua contre la trappe et celle-ci s'ouvrit. La tête d'un vieillard apparut. Son crâne était un peu dégarni mais d'amples cheveux blancs et mal brossés ornaient cette petite tête avec un menton démesuré comparé au reste de son visage qui semblait miniature.

En une fraction de seconde, le vieillard, machinalement, répondit :

-Revenez quand vous aurez trouvé l'oiseau Rokh.

Et il referma la trappe. Mais Féline mis sa main avant qu'elle ne se referme complètement, la rouvrit un peu et affirma, sûre et fière d'elle :

-Mais j'ai trouvé l'oiseau Rokh !

Elle attrapa Chasseur par le bras et le balança au devant comme pour le présenter au vieillard. Celui-ci s'avança et l'observa comme s'il eut voulu vérifier la valeur d'un précieux diamant.

-Tu es sûre que c'est celui-là ? Il ne me semble pas valable...

-Oui, je suis sûre à cent pour cent. C'est forcément lui. Tu peux me faire confiance.

Le vieillard, après une longue hésitation, ouvrit la porte qui se trouvait à gauche de la trappe. Il était très petit. Il faisait en réalité la même taille que Féline. Celle-ci entra. Chasseur voulut la suivre et se cogna la tête contre le haut de l'embrasure.

-Aïe !

-Tu es trop grand, Chasseur ! Se moqua la jeune femme.

-C'est bon...

Il se courba et entra dans la petite cabane. Elle était éclairée à la lumière de torches et de longues lattes en bois recouvraient le sol, les murs et le plafond. Il n'y avait pas de fenêtres à part la trappe qui demeurait fermée. Le vieillard se dirigea vers une commode, ouvrit un tiroir, le referma, en ouvrit un autre et en sortit ce qui ressemblait à un vieux parchemin.

-Ah, au fait, s'exclama Féline, je n'ai pas fait les présentations ! Chasseur, voici Hitsück, le détenteur des prophéties. Hi...

-Détenteur et protecteur ! S'exclama Hitsück.

-Bon, c'est pas grave.

-Tu es sûre que c'est lui ?

-Mais puisque je te dis que c'est lui et que j'en suis sûre. Tu n'as pas confiance en moi ?

-Attendez, les coupa Chasseur. De quoi est-ce que vous parlez ?

-Vois-tu, jeune homme, commença le vieillard, je suis le détenteur et le protecteur des prophéties. Seulement, je ne peux les lire, ni savoir qui doit les accomplir.

-Pourquoi donc ?

-Parce qu'une seule personne a le pouvoir d'ouvrir l'accès aux prophéties.

-Et qui est-ce ?

-C'est l'oiseau Rokh. L'oiseau Rokh, il hante tous mes rêves. C'est comme la plus belle des légendes... Et Féline, que j'ai rencontré par hasard, m'a promis de le trouver.

-Et nous devons le trouver ? Demanda-t-il, curieux.

-Déjà fait, répondit sèchement Féline. C'est toi, l'oiseau Rokh, Chasseur.

Le jeune homme sentit sa respiration s'accélérer, son cœur battant à tout rompre.

-Chasseur, tu vas bien ? Demanda la jeune femme qui ne comprenait pas la réaction et le malaise de son ami.

-Je... je vais m'asseoir.

Le vieux sortit une chaise et Chasseur s'y laissa tomber. Il se prit la tête par la main et essaya de se calmer.

-Féline, tu es sûre que c'est lui ? Il n'a pas l'air très coriace...

-Oui ! Je suis sûre ! Je te l'ai déjà dit ! Répliqua celle-ci.

-Écoutes, mon garçon... Est-ce que tu es l'oiseau Rokh ? Demanda le vieillard.

-Tu ne me fait pas confiance ? S'indigna la jeune femme.

-J'en sais rien ! S'écria Chasseur. Il est sensé être comment votre oiseau !

-Et bien... répondit le vieux. C'est une sorte d'aigle géant...

Chasseur prit sa tête dans ses deux mains. C'était bien lui. Comment pouvait-il être une créature aussi importante qui hante les rêves d'un vieil homme gardeur de prophéties ? Chasseur se redressa. Il venait de comprendre.

-Attends... commença-t-il en se tournant vers la jeune femme. Tu... tu veux dire que si tu restais avec moi... c'est seulement parce que tu me cherchais ?

Il se leva, emplit de haine.

-Chasseur... calmes-toi...

-Pourquoi ? Pourquoi est-ce que je me calmerais ?

Le jeune homme, sous l'emprise de la colère, se couvrit de plumes, signe qu'il acquérait une puissance surhumaine.

-Hmm... fit le vieux. Une splendide phase intermédiaire entre l'humain et l'oiseau... Et ces belles plumes...

-Chasseur... commença la jeune femme, apeurée.

-Je pensais que tu étais mon amie ! Hurla l'oiseau.

Et il sortit d'un pas rapide et énervé sans que la jeune femme n'eut le temps de répondre. Cette dernière pleurait des torrents. Hitsück, ne comprenant pas, demanda :

-Mais pourquoi diable est-il sortit ?

Féline, ne tentant pas une réponse au vieux gardien asociale, sortit en courant.

Chasseur était déjà loin et marchait d'un pas lourd, énervé, pleurant lui aussi. Féline courait pour le rattraper.

-Chasseur ! Attends !

-Qu'est-ce que tu me veux ! Tu veux que je débloques des trucs et après tu me laisseras crever ?!

-Ne dis pas ça ! Tu sais bien que c'est faux...

-Et dire que je pensais que tu tenais réellement à moi ! Que tu me protégeais comme ami et non comme un objet très précieux !

-Chasseur ! Écoutes-moi ! Je ne savais pas que tu étais l'oiseau Rokh avant de voire toutes tes plumes sortir de ton corps en moins de deux ! Je n'avais pas compris tout de suite, et après, j'avais encore des doutes, jusqu'à ce que je te voie en aigle géant... Écoutes, Chasseur, je suis sincère ! Tu es mon ami !

Le jeune homme ralentissait le pas pour se retourner vers elle.

-Mais qui croire ? Si tu m'avais fait part de tes soupçons, tu ne crois pas que j'aurai été moins choqué ?

-Mais, Chasseur, je ne pouvais pas... je... je n'étais pas sûre... et je ne pouvais pas parler de ça à n'importe qui si je n'étais pas sûre...

-Alors maintenant, je suis « n'importe qui », et « ça » ? Très joyeux, pour un ami !

-Chasseur ! Arrêtes de prendre le mauvais côté des choses... Si je fais des erreurs de langage... et si je fais des erreurs tout court, alors pardonnes-moi... Je tiens réellement à toi, Chasseur. En tant qu'ami ! Et allié... et... je ne sais plus, mais je ne veux pas que tu t'en ailles et que tu me détestes...

Le jeune homme s'arrêta et ses plumes commencèrent à se dissiper.

-S'il-te-plaît, Chasseur...

-Je... je n'arrive pas à croire que... Que je sois mêlé à tout ça. J'ai l'impression d'être dans un rêve, ou dans un cauchemar, je... j'ai parfois envie de me réveiller et de retrouver ma simple vie d'antan... de perdre cette force destructrice, ces pouvoirs... de ne plus avoir de lien avec des hors-la-loi... mais... j'aimerais garder à mes côtés... la Jeune Fille du Port...

Féline esquissa un sourire. Mais Chasseur ne riait pas. Il ne disait pas de blague, ni de poème, il pleurait.