Chapitre 32 : étreintes verdissantes

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-Flamme...

Une villageoise à la peau basanée en partie recouverte d'écailles et aux cheveux longs et noirs attendait devant la porte de la case de la guérisseuse.

La renarde se retourna, puis répondit d'un ton calme, mais parsemé d'inquiétude :

-Qu'y a-t-il, Kanla ?

-Je... je me suis blessée, en creusant...

-Fais-moi voir.

Kanla s'approcha et montra son bras, qui saignait. La renarde rentra dans sa case et farfouilla parmi ses plantes. Elle ressortit finalement avec une herbe sèche.

-Mange ça, ça soulagera ta douleur.

La blessée la saisit et l'avala les yeux fermés. La guérisseuse fit demi-tour et ramena de l'eau propre ainsi qu'une autre plante.

-Approche ton bras. Je vais désinfecter, sans quoi ta blessure s'aggravera.

La brune s'assit et posa son bras sur la table devant elle, tandis que la renarde versa l'eau mélangée à la sève de la plante dessus.

-Si ça fait mal, c'est normal, mais ne t'en fais pas, le sang s'arrêtera vite de couler, et avec cet antiseptique, tu ne risques rien.

-B... Bien, merci... Flamme...

-De rien.

La rousse sourit et Kanla sortit, maintenant son bras blessé par sa main pour coincer la douleur.

Flamme se replongea un instant dans ses pensées, quand un bruit la fit sortir de ses songes. Un bruit particulier, qu'elle aurait reconnu n'importe où. Un bruissement d'ailes.

Elle se leva soudainement et sortit en courant de sa case, en direction du bruit.

-Féline ! s'écria-t-elle, empreinte de joie.

Elle se précipita dans ses bras.

-Féline, on a presque fini de creuser les canaux !

-Super ! On a ramené des pousses et des graines. Les pousses, c'est pour que les arbres grandissent vite, les graines, c'est pour à long terme. On a pas pu en ramener plus.

-Tiens, quand j'y pense, la coupa Chasseur, on a pas pensé à prendre d'autres graines.

La chatte se tourna vers lui, le regarda un instant, puis haussa les épaules.

-Bah si tu en as besoin, on peut y retourner ! Ou... continua-t-elle en voyant l'air fatigué de son ami, plus tard, quand vous en aurez besoin.

-Il y a quelques plantes dans la maison du maître si vous voulez. C'est pour ça qu'il détournait la rivière, on peut peut-être trouver des choses intéressantes !

-Bonne idée. Je te laisserais le soin de le faire. Allons en finir avec cette rivière.

Elle se dirigea avec entrain vers le chantier.

Le sable compact était parsemé de canaux. Les villageois finirent quelques rainures, puis se relevèrent pour acclamer les nouveaux venus.

-Il est temps de rediriger la rivière dans son lit, annonça fièrement la voleuse.

Elle rentra dans l'immense demeure de l'ancien maître des lieux, et se retrouva dans une immense pelouse.

-Quelle idée de mettre de l'herbe dans un endroit où il n'y a pas d'eau ! s'écria-t-elle pour elle-même.

Elle parcourut en long, en large et en travers l'indomptable maison et trouva finalement la gestion de l'eau. Elle désactiva les pompes, puis toutes les options de confort de l'ancien Maître du village.

Elle ressortit pour voir ce qu'il en était de ses travaux. Les pompes ne capturaient plus le précieux liquide, et il affluait dans le lit de la rivière desséché. Tout le village regardait l'eau poursuivre sa course dans son lit. Lorsqu'elle arriva aux canaux, elle s'y engouffra comme prévu, et tous les habitants sautèrent de joie.

Ils entreprirent ensuite de planter les jeunes pousses de palmiers sous la direction de la chatte, avant d'enfoncer les graines dans le sable redevenu humide.

Lorsque la renarde revint, plusieurs graines à la main, un immense sourire peint sur son visage roux, on pouvait aisément deviner que la promesse verdissante du village mûrissait dans les esprits.

-Féline ! Tu sais ce que j'ai trouvé ? S'exclama la renarde.

-Non, qu'as-tu là ?

-Il y a tellement de graines ! Je me demande juste ce qui pourrait pousser ici...

-Avec l'ombre, tu pourrais faire pousser pas mal de choses.

-J'ai trouvé plein de légumes, des plantes médicinales, des aromates, du blé... de tout ! Même des fleurs... Tout, quoi !

-Eh bien je te laisse faire tes réserves de graines. Je ne sais pas exactement en combien de temps pousse un palmier dattier, mais quand tout ça sera mis en place, votre village avancera sans problèmes.

Flamme s'approcha de Féline et l'enlaça, enfouissant sa tête dans son cou.

-Merci Féline, prononça-t-elle en pleurant.

Elle relâcha son étreinte et essuya ses larmes d'un revers de main. Féline fut émue d'une telle émotion. L'avait-on déjà remerciée ainsi ? L'avait-on déjà étreinte de cette façon depuis la mort de sa mère ? Hmm... Oui, une fois.

-Je ne sais comment te remercier... continua-t-elle, la voix tremblante. N... Notre village était sous le contrôle du Maître, et maintenant, nous sommes libres, et nous avons des solutions pour vivre en paix... Pour vivre sans soucis... Je ne sais pas comment je pourrais te remercier...

-Il n'y a pas besoin de plus pour me satisfaire. Vous êtes tous heureux avec un avenir, et ça faisait des années que l'on ne m'avait pas remercié comme tu l'as fait.

Elle enlaça à son tour la renarde. Elle n'avait rien gagné. Si ce n'est la satisfaction d'avoir sauvé un village d'un esclavage et d'une perdition certaine, et l'assurance qu'une humanité et un pouvoir de bien faire séjournaient encore en elle.

Après cette longue étreinte, les deux amies se regardèrent un instant, avant de faire les adieux.

Flamme remercia Chasseur, et tout le village acclama le duo de fugitifs.

-Féline... prononça Flamme à mi-voix.

-Oui ? répondit l'intéressée dans un grand sourire.

-Féline... dis-moi que tu reviendras nous voir... Je... Je ne veux pas te quitter à jamais...

-Mais oui, ne t'en fais pas. Nous auront beaucoup de travail et de missions avec Chasseur, mais nous reviendrons te voir régulièrement, ne t'en fais pas.

-Merci, répondit la renarde, sourire retrouvé.

Après une dernière étreinte, Féline et Chasseur prirent leur envol du désert du Manial.

-Mission accomplie, entonna Féline.

-Mission accomplie, lui répondit Chasseur. 




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