Ch18: 1ère vision

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- Salut Eloïse! Ça va?
- Hey! Ça va. Et toi?me demande-t-elle tout en me faisant la bise.
- Super!
Énorme mensonge! Je vais extrêmement mal. Déjà ma vision est censée se réaliser aujourd'hui et en plus, de peur qu'une autre vienne, je n'ai pratiquement pas dormi de la nuit... Ce qui n'est pas top pour une rentrée. J'espère que Zana sera prudente, Oh qu'est-ce que je l'espère. J'ai presque envie de l'appeler et de lui dire de faire attention. Mais je ne peux pas parce-que:
1. Je n'ai pas son numéro
2. Je passerai pour une psychopathe
3. Je ne peux rien y faire ça va se passer c'est tout.
- Ça va se passer quand?me demande Augustin.
Je pointe du doigt le passage piéton juste devant notre école.
- Ça va être là. C'est tout ce que je sais.
Je regarde nerveusement les gens autour de moi
- Qu'est-ce qui va être là?demande Eloïse agacée d'être mise à l'écart.
- Rien, répond simplement Augustin.
- Salut Claire, ça va?me demande Jacob.
- Salut. Non ça ne va pas. Pas du tout même!
Une fille va avoir un accident et je ne peux rien y faire. C'est horrible.
- Arrête de stresser comme ça!m'ordonne Augustin.
- Reste en dehors de mes pensées!
- Je n'ai pas besoin de lire tes pensées pour voir que t'es angoissée, répond-il sèchement. Ça se voit rien qu'à ta posture.
- Tu veux que je sourie!? Imbécile!
- Non, mais permets, les jours de la rentrée, tu ne fais pas cette tête!
C'est vrai qu'il a raison...
- Désolée.
- T'inquiète.
- Vous voyez quelque part Zana?je demande.
- Non, répond Gabriel.
- Oui! Elle est là! Elle a déjà traversé on dirait!dit Jacob, extrêmement content.
- Mais... et la vision?je demande.
- Ne nous réjouissons pas trop vite,dit Augustin. Ta vision pourrait très bien se réaliser plus tard.
- Il a raison, acquiesce Gabriel.
Ah l'aspect positif c'est décidément pas leur truc... Gabriel de tout façon voit toujours le monde du côté négatif mais Augustin. Pas à ce que je sache.
- Je suis réaliste, chuchote Augustin à mon oreille. C'est tout.
- Où est Eloïse?
Augustin la pointe du doigt.
- Avec Jeffrey. On dirait une dispute. Tu permets?dit-il tout en me poussant. Je vais aller voir.
A coup sûr ça allait mal finir. Je décide de me rapprocher pour intervenir, au cas où.
- C'est toi le minable pour qui ma meuf a opté!?demande brutalement Jeffrey à Augustin.
Il semble légèrement saoul.
- Je ne suis pas ta meuf, s'indigne Eloïse.
- On va se calmer, dit Augustin zen comme à son habitude.
- Tu ne me dis pas de me calmer. Ch'ui pas ton chien, non mais tu t'es pris pour qui toi là?????
Augustin soupire. Je regarde la scène sans réagir. Comment peut-on être aussi bête que Jeffrey?! Je soupire. Cette dispute est ridicule.
- Sale chien!et tout en disant cela Jeffrey écarté violemment les bras comme s'il attendait un câlin.
Quel idiot il a frappé quelqu'un! Puis il essaie de frapper Augustin, se fichant complètement de la personne qu'il a bousculé. Augustin, rapide comme un serpent à sonnette, l'esquive et en profite pour s'éclipser. Il me l'a dit plus d'une fois; il déteste la violence. Mais Jeffrey n'abandonne pas et le suit. Puis je me tourne vers Eloïse, qui est complètement paniquée:
- Jeffrey a frappé qui?
- Zana, me répond-elle.
- Oh mon Dieu! Elle est où?????
- Elle va rentre chez elle. Jeffrey lui a vraiment fait mal...
- Oh mon Dieu elle est où?
- Là-bas,me dit-elle tout en pointant le doigt derrière moi. Elle est sur le point de traverser le passage piétons.
- Non!je hurle.
- Ça ne sera pas un accident terrible, chuchote de nouveau Augustin à mon oreille.
Un "bruit de collision" parvient à nos oreilles. Puis un troupeau de collégiens se rassemble autour de l'accident, moi y compris. Zana est par terre inconsciente. Ces blessures ne sont pas des plus graves mais tout de même! Je dirais qu'elle a au moins un bras cassé et plusieurs bleus. Mais je ne suis pas experte. C'est peut-être bien pire. Eloïse appelle une ambulance. Je me dirige vers le conducteur ou plutôt la conductrice qui est horrifiée.
- Oh mon Dieu,souffle-t-elle. Oh mon Dieu...
Après quelques minutes de compréhension de la situation, elle sort en courant de sa voiture vers Zana. L'ambulance arrive en même temps. Je vois Gabriel assis à côté de Zana, l'air concentré. Je me rapproche et demande à Jacob:
- Il fait quoi?
- Franchement, aucune idée. Gabriel!
L'appelé, s'apercevant que l'ambulance arrive, s'éloigne de la "victime".
- Tu faisais quoi?je lui demande.
- Je canalisais mon énergie pour la lui transmettre.
- Hein? C'est possible ça?
- Apparemment,me répond-il tout simplement.
Je réfléchis. Depuis quand a-t-il ce don? Comment fait-il pour guérir au toucher?
- Il sait guérir?
- Toujours en train de lire mes pensées?je grince.
- Ça fait partie de moi. Quand vas-tu l'accepter? Sinon m'y question..?
- Il canalise l'énergie pour la transmettre à sa victime. Ça ne la guéri pas mais ça l'aide.
- Étrange,murmure-t-il.
Visiblement lui non plus n'était au courant de ce don...
- En effet.
- Y'a quoi d'étrange? Y'a quoi "en effet"?demande Eloïse.
- Rien,je mens.
- Biensûr, râle-t-elle.
- Il se passe quoi?s'incruste Jacob.
- Rien, répondons Augustin et moi en même temps.
Je n'espère pas que toutes ces cachotteries finiront par gâcher un peu notre amitié. Ce serait dommage... L'ambulance emporte Zana et voilà le silence revenu. Après quelques minutes, tout est redevenu normal.
- Tu vois? C'était pas si grave, me faut remarquer Augustin.
Je roule des yeux. N'a-t-il donc 0 et émotion? Ne stresse-t-il jamais? Augustin n'a pas entendu mes pensées ou bien il les a entendues et fait la sourde oreille. La cloche nous appelle et chacun se dirige à son cours respectif. En mon cas c'est économie. Franchement je déteste parce-que:
1. L'économie ça ne m'intéresse pas.
2. Le prof est agaçant.
3. Eloïse ne partage pas ce cours avec moi.
Par contre Alice, Augustin, Chloé et Amandine sont là. Eloïse, Jacob et Gabriel sont en droit. Je m'installe à côté de la fenêtre. J'espère que personne ne viendra à côté de moi. Je veux être seule.
- Désolé de gâcher tes désires, dit Augustin tout en se glissant à la place à côté de moi.
Je roule des yeux. Mon cou me démange. Ou plus précisément le collier me dérange. Je l'enlève et suis directement soulagée. Mais ça ne dure pas. Je commence à suffoquer, puis ma respiration commence à se couper, des points noirs dansent face à mes yeux. Puis tout s'arrête.
- Tu veux te suicider?!me gronde Augustin. Tu ne dois pas l'enlever! Si je n'avais pas été là tu aurais été morte!
- Désolée. J'avais oublié...
Je n'ai même pas réalisé qu'il m'a remis mon collier.
- Merci, je souffle, puis le prof entre dans la salle et le cours commence.
Le matin passe à une lenteur épouvantable. J'en ai marre! Plus que quelques minutes et c'est la pause déjeuner. Je me tourne vers Gabriel, assis à côté de moi. Il est calme. Nous sommes tout derrière. C'est donc sans crainte de déranger le cours que je lui demande:
- Comment t'as fait pour...avoir ce don?
- Don ou malédiction?me demande-t-il sans répondre à la question.
- Don. Aider des gens je ne verrais pas ça comme une malédiction.
- Claire..,dit-il comme si j'étais exaspérante, ces "pouvoirs" ont toujours deux facettes...
- C'est-à-dire?je demande.
- Ça peut soulager une douleur tout comme ça peut l'amplifier et la rendre insupportable. Je peux aussi bien aider un mourant à vivre comme à le tuer.
Je frissonne. Sommes-nous constitués que de choses négatives?
- Tu peux guérir complètement quelqu'un? Ou une jambe cassée?
- Oui.
- Dans ce cas pourquoi ne pas l'avoir fait sur Zana?
- Car ça aurait porté l'intention sur moi. Tout le monde a vu comment elle s'est fait shootée et tout le monde a un point de vue sur la situation. Ce serait mal vu si elle se levait sans dégâts. Ce serait... trop risqué.
Comment puis-je être aussi bête? Ça paraît évident!
- Comment ce pouvoir t'est-il parvenu?
- Je l'ai senti. C'est dur à expliquer mais il semble que chaque  deux/trois mois un nouveau pouvoir nous parvient et de temps en temps un disparaît.
- Il semblerait?
- Je ne fais que des hypothèses sur mon vécu, dit-il en haussant les épaules comme si ce sujet ne l'intéressait point.
Moi en tout cas ça m'intéresse. Je l'observe du coin de l'oeil et me rend compte qu'en fait c'est un chouette type. J'aurais bien aimé le connaître avant cette "domination de bague". La cloche sonne. Nous rangeons nos affaires et sortons. Aujourd'hui on mange à l'école. Quand je dis "on" je veux dire Eloïse et le trio de garçons "aux bijoux". Je marche avec Gabriel, en direction de l'arbre sous lequel on va manger quand soudain quelqu'un agrippe le bras de Gabriel. Il se fige puis se retourne pour découvrir Alice. Il semble soudain très gêné et nerveux.
- Toi! Sale arbre déraciné! C'est tout de ta faute. Toi, toi et encore TOI! Mais tu ne lui feras pas de mal à elle, et tout en disant cela elle me me désigne vaguement de la main. Je la protégerai.
Et sur ce elle s'en va. Elle semble plus dérangée aujourd'hui que d'habitude. Gabriel est toujours figé. Finalement il me lance:
- Viens on y va!
- Non,dis-je en le retenant du bras. Tu me dois des explications.
Je l'entraîne sous un pommier et m'assieds. Après quelques secondes d'hésitations, il s'assied aussi. Un silence s'installe puis finalement je lui demande:
- Qu'est-ce qu'il s'est passé avec elle?
Il ne répond pas.
- C'est pas normal. Elle a beau être dérangée un peu elle n'agresse pas les gens comme ça! Allez, accouche!
Il soupire.
- On s'est déjà croisés, auparavant.
- Et..?je le presse.
- C'était une amie très proche à moi...Peut être même plus qu'une amie. Un soir, elle était chez moi et j'ai... perdu le contrôle de mon corps....
Il a été possédé... Je suis horrifiée à l'idée de ce qu'il lui a fait.
- Je l'ai... Mon bras l'a frappée à plusieurs reprises et puis... d'autres choses violentes,dit-il sans vouloir rentrer dans les détails. Et ensuite je l'ai contrainte a oublié. Mais en faisant cela je l'ai aussi dérangée mentalement...et en passant mon corps de possédé n'a pas bien effacé ses souvenirs... Elle sait que je lui ai fait d'horribles choses mais elle ne sait plus quoi. Ce qui fait qu'elle ne peut me dénoncer. Et elle croit qu'il se passe la même chose avec toi, dit-il en un souffle.
Il est malheureux comme une pierre et ses yeux sont teintés remords et regrets. Il me fait de la peine. Je lui prends la main dans le but de le rassurer. Je le fais sans gêne. Ce geste est purement amical.
- Tu ne l'as pas fait exprès, je lui chuchote. Ce n'est pas de ta faute...
- Si tout est de ma faute. Je suis une horrible personne.
- Mais non!
- Si. A partir du moment où l'on ne s'aime plus soi-même c'est qu'on est vraiment un raté.
- Moi je t'aime, je murmure peinée. Jacob et Augustin aussi.
Une larme furtive s'échappe d'un oeil qu'il fait vite d'essuyer. Je ne le connaissais pas si sensible. Il respire un bon coup et me dit:
- Merci.
On se lève tous les deux toujours main dans la main et partons manger.
- Vous êtes en retard, fait remarquer Eloïse.
Puis son regard tombe sur nos mains enlacées. Elle émet un sifflement.
- Eh ben... Je comprends pourquoi.
Jacob fait une moue désaprobatrice. Je roule des yeux sans pour autant lâcher la main de Gabriel. Il a besoin de soutien et puis ça m'est égal de ce que pense Eloïse. Nous sommes juste amis. Des amis qui se soutiennent. Je ne sais pas d'où vient cette sympathie envers lui soudain mais elle est là et je ne vais pas chasser pour le plaisir de mes autres amis. Nous nous asseyons et je sors mon déjeuné. Une salade avec quelques rondelles de concombre. Nous mangeons en silence. Après avoir léché le reste de moutardes sur ces doigts, Eloïse nous demande:
- Alors vous faisiez quoi?
Ah qu'est qu'elle peut être gamine par moments! Gabriel lâche un profond soupir. Jamais je ne ferai quoi que ce soit avec lui. Il est mon ami voilà tout.
- Rien de ce que tu imagines.
- Mmmhhhh.
Elle nous toise les deux avant de se lasser elle même de son petit jeu. Augustin regarde sa montre et se lève.
- On a encore le temps d'aller vite à l'hôpital voir Zana, dit-il. Vous venez?
Tout le monde acquiesce et on s'en va.

Les Quatre [EN PAUSE ET RÉÉCRITURE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant