7- Tatouage

2.4K 220 11
                                    


Février 2074

Les premiers mots d'une page blanche sont toujours les plus difficiles. Il y a bien longtemps que je n'écris plus au stylo. La technologie a pris le pas sur l'écriture manuscrite.

Aujourd'hui, il pleut et j'écris dans mon journal électronique. Il y a de l'orage. J'aime le bruit de la pluie qui tombe sur le toit. Elle glisse sur le sol. Les gouttelettes s'écrasent sur les arbres. Le tonnerre gronde tel un animal en colère. Les fenêtres de ma chambre vibrent au son de l'orage qui fait rage. À l'extérieur, la nature se déchaine et les éléments poursuivent le cours des choses.

Ici au chaud, c'est si paisible ! Malgré ma relation houleuse avec père, j'aime cette villa avec ses fenêtres blanches et son immense véranda. Son jardin si bien décoré ! La fenêtre de ma chambre donne sur ma petite terrasse privée où je m'assois parfois pour bronzer, bouquiner et même danser. Je n'ai jamais connu autre chose que le luxe. Je ne sais pas ce que c'est que de trimer pour manger, de m'endormir avec la faim qui me tiraille. C'est un des privilèges que j'ai eu. Je suis consciente et reconnaissante d'avoir une telle chance. Néanmoins, je suis prête à tout abandonner pour vivre une vie de liberté.

Je tape mes pensées sur mon journal. Ici, je me pose. Je suis calme. Je réfléchis. Je supprime ce que je viens d'écrire si l'envie me prend et je recommence. La vie ne devrait-elle pas en être ainsi ?

On écrit chaque jour une page de sa vie, mais on ne peut raturer ses fautes ou gommer ses erreurs. Mais l'encre de nos actions est indélébile, n'est-ce pas ? Chaque geste est un verbe.

Dans la vie, on est tous que l'on veuille ou non, lu ! Et comme dans la littérature, il y a de bons romans, des mauvais livres et des best-sellers. Des auteurs qui marquent l'histoire. J'espère en faire partie. Laisser une bonne impression sur les gens qui m'entourent.

On toque à la porte et je me presse de cacher mon journal. C'est Capucine. Je demande au domestique de nous emmener des boissons chaudes et de quoi goûter. Au bout de quelques minutes, elle nous apporte des muffins maison à la banane avec du chocolat chaud.

— Je dois te dire quelque chose Madelyne. Julien m'a embrassée ce matin. Je crois...je suis amoureuse de lui.

— C'est génial Capu ! Je suis heureuse pour toi. Dans quatre mois, tu seras mariée à l'homme que tu aimes.

— Et toi avec Vincent ?

— Je ne sais pas, je suis perdue. On s'est embrassés également. J'aime bien le goût de ses lèvres et il est gentil, mais je ne peux pas dire que je suis amoureuse. Pas encore. Ça va peut-être venir par la suite. Mais il est très romantique. Ce matin, il m'a envoyée une de ses nouvelles chansons qu'il a écrite pour moi et ça m'a fait quelque chose. Tu sais que toute mon enfance je me suis sentie rejetée par les hommes, à cause de père. De voir qu'enfin un garçon m'aime, ça ne me laisse pas totalement indifférente.

Il est vrai que j'ai toujours considéré les hommes comme mauvais. J'imaginais qu'ils étaient tous comme père ou comme le Dirigeant Suprême. Ceux que j'ai pu rencontrer étaient des collègues ou les enfants des magistrats. Tous sont remplis d'eux-mêmes. Et depuis peu, j'ai rencontré deux hommes diamétralement opposés à père.

— Au fait, je t'ai vu danser avec ton tuteur. J'étais à tes côtés sur la piste de danse et j'ai vu comment tu le regardais. Tu en es amoureuse, n'est-ce pas ?

— Oui, je crois que oui. Ça complique les choses avec Vincent. Il a tout pour me plaire, mais il ne me fait pas l'effet d'Adam.

— Mais c'est un amour voué à l'échec tu le sais. En plus, je doute que ça soit réciproque. Je l'ai vu avec la tutrice de Vincent au Pavillon, ils étaient très proches. Franco, je les ai vus s'embrasser lors de la soirée. Si j'ai bien entendu, je crois qu'elle l'a invité à boire un dernier verre chez elle.

FRAGILE, (série Brèches) Tome 1 (terminée)  #wattys2017Où les histoires vivent. Découvrez maintenant