10- Vérités

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Revêtue d'une horrible robe orange, au tissu inconfortable, je suis dans la peau d'un citoyen de la faible classe sociale. Le tissu me gratte le dos et ne tient pas chaud. En réalité, je me sens un peu comme une espionne.

On marche depuis une bonne vingtaine de minutes et j'ai déjà des ampoules aux pieds dans ces chaussures trop étroites. Je tente de faire bonne figure, mais j'ai du mal, je n'ai pas l'habitude de marcher, ne me déplaçant toujours en navette et bien escortée.

Adam lui, a une allure déterminée. Il ne prend pas le temps de vérifier si je reste derrière lui.

Les rues sont lugubres et des odeurs nauséabondes y règnent. À sa fenêtre, un homme se racle la gorge et émet un juron.

Des vêtements pendillent le long des cordes à linge, des chaussures sont accrochées au poteau électrique. Des poubelles sont entassées le long des murs. Je suis frappée par la précarité des lieux.

J'entends une femme crier sur son gamin qui pleurniche. Cette dernière sort sur son balcon. Elle me jette des regards noirs avant de rentrer chez elle. Ici, j'ai l'air d'un imposteur. Même déguisée, mon visage trahit que je ne viens pas de ce monde-là.

Malgré toute la volonté que je déploie, je ralentis la cadence, les pieds en feu. Je marmonne. Pour tuer le temps, je raconte à mon tuteur les souvenirs de mon enfance, ceux revenus hier soir.

Adam se tourne vers moi et me somme de me dépêcher.

Depuis notre rendez-vous chez lui, il se montre distant, comme s'il se retient d'être lui-même. Il est froid et plus autoritaire que jamais.

— Madelyne nous n'avons pas toute la journée ! s'énerve-t-il.

— Je fais ce que je peux. J'ai des ampoules aux pieds. Tu sais, ces sandales sont très mal conçues, elles empêchent littéralement...

— Les filles de ton genre ne marchent pas beaucoup, n'est-ce pas? J'imagine que tu claques des doigts et on t'apporte sur un plateau doré tout ce dont tu as besoin ? Mais ici c'est différent !

— Ne prétends pas me connaître, dis-je vexée.

— Ce que je connais me suffit.

— La vie que je mène n'est pas aussi facile qu'elle en a l'air.

Nous longeons une ruelle étroite, située entre deux bâtiments. Les tuyaux sont apparents et des flaques d'eau sont répandues sur le sol. Avec soin, je tente de les éviter. On ne sait jamais...si les chaussures ne sont pas étanches.

— Tu ne voudrais pas que je te porte ? demande-t-il agacé en me voyant.

— Si, on irait plus vite, dis-je pour rentrer dans son jeu.

Enervé, il s'avance vers moi et me soulève avant de me jeter sur son dos comme un vulgaire paquet. Je n'essaye même pas de me débattre, tant je suis épuisée. Effectivement, on arrive plus rapidement à destination. Adam m'a portée sans difficulté, comme si j'étais une plume.

Devant un bâtiment administratif, mon tuteur me donne des instructions. Il m'a emmenée ici parce qu'il désire que je prenne conscience du monde tel qu'il est en réalité.

— Enfermée dans ta villa, tu ne te rends pas compte de ce que vivent les gens dehors.

— Ce n'est pas de ma faute ! dis-je pour ma défense. Et puis c'est quoi ton problème aujourd'hui ?

Mon tuteur fronce les sourcils et inspire profondément. On entre. Les citoyens sont assis les uns sur les autres, revêtus de haillons, ils ne sont pas lavés et empestent. Une petite fille a le nez qui coule, les yeux bouffis et les cheveux collés par la crasse. Elle a dû braver le froid car elle n'est pas couverte pour la saison actuelle. Un vieillard a grand peine à respirer et tousse avec violence. Il y a dans cette salle un mal-être palpable, une misère indéniable.

FRAGILE, (série Brèches) Tome 1 (terminée)  #wattys2017Où les histoires vivent. Découvrez maintenant