District 31

C'est ton call

Chiasson est assit à la petite table ronde de son bureau. Des dossiers sont éparpillés devant lui et un crayon est dans ses mains. Nadine est debout devant lui.

- On pense que... c'est un réseau organisé. Les gars d'l'écoute électronique en ont entendu parlé sur les lignes. Annonce Nadine.

- Des mineures hein? Ça rend l'monde frileux... Moi la dernière chose que j'veux entendre c'est: Oh! Y l'savaient pis y'ont rien fait.

- Ces filles-là y'ont d'l'argent. As-tu déjà entendu parlé d'une fugueuse pognée dans les mains d'une gang de rue capable de s'mettre trois milles piasses de côté toi? Lance Nadine.

- Ah oui?!

- Oui. On veut pas sauver une fille, on veut en sauver une dizaine pis mettre la main au collet d'ceux qui sont derrière ça. C'est trop sophistiqué pour être des amateurs cette affaire-là.

- C'est ton call. Lui laisse Chiasson. T'as besoin quelque chose, tu me l'dis.

- Hum! Ça fait changement de... C'est ton call, trompe-toi pas parce que ça va être de ta faute. Rit-elle.

- Tsé Nadine, j'ai assez d'métier pour savoir que quoi qu'y'arrive là, un jour, ça va être de ta faute. On sait juste pas quand. Comme un jour ça va être d'la mienne aussi là.

- Hum... J'va m'en rappeler d'celle-là. Sourit-elle avant de se tourner pour partir.

- Hey euh... Bruno? L'arrête Daniel.

- Oui? Chiasson retourne ses deux main pour savoir comment ça va. Ah euh... Elle rit. Ben... yé spécial! Mais euh... non, y connait son affaire.

- Es-tu au courant de c'qui lui est arrivé?

- Non? Nie Nadine en l'invitant à poursuivre.

- Bruno y'a perdu sa femme pis ses deux enfants dans un incendie... à son chalet. Yé remonté en ville pour une urgence, quand yé retourné là-bas... pus d'chalet, rasé. Y s'est garoché dans l'travail.

- Pourquoi tu me l'as pas dit? S'inquiète Nadine les bras croisés, visiblement touchée.

- J'voulais pas t'en parler avant qu'tu l'rencontre, j'voulais pas influencer ton opinion.

- Ok... Accepte Nadine avant de partir.

Patrick qui entre dans la salle à bureaux se rend au bureau de Bruno l'air sérieux avec un document en main.

- Pis? Qu'est-ce ça donné? Demande Bruno.

- Le jack pot.

- Explique-moi ça.

Patrick dépose la chemise beige devant Bruno qui l'ouvre.

- Ok. Ça c'est la deuxième hypothèque signée. Pointe Patrick. Ok. Ça c'est son relevé d'compte. Il passe à une autre feuille. Regarde là là, t'as l'chèque de soixante-quinze-milles qu'y'a été déposé. La même journée, y'a un retrait de dix-milles dollars, le lendemain aussi, le surlendemain même chose.

- Bon.

- Y'a retiré trente mille piasses en trois jours. Comptabilise Patrick.

- La rumeur qui veut qu'y'aurait donné vingt-cinq-milles à une fille pour la faire taire ça s'peut?

- C'pas encore tout à fait ça, mais disons qu'ça coïncide pas mal avec c'qu'y'a là. Approuve Patrick.

- J'vas commencer à t'aimer toi.

Patrick sourit.

Du côté de la salle de réunion, Isabelle est assise à bout de la table alors que Stéphane à sa gauche. Nadine est debout à la droite d'Isabelle les mains dans ses poches de veston.

- Moi là j'dis qu'on s'concentre sur la p'tite. Propose Stéphane tandis que Nadine hoche la tête. On la met d'notre bord pis... Isabelle approuve également. Comme ça on va en apprendre pas mal plus.

- Ok! Le plan d'intervention c'est quoi? Vérifie Nadine.

- On met la suite sous surveillance, on envoie la p'tite rencontrer son client, on la suit pis c'est là qu'on intervient. Explique Stéphane.

- Ensuite? Le pousse Nadine.

- On la ramène ici.

- En présence d'la mère, c'est très important. Intervient Nadine.

- Oui, oui pis après ça ben on voit c'qu'elle a à nous dire. Ajoute Isabelle.

- Pis l'client? S'inquiète Nadine m.

- Quoi l'client? Réplique Isabelle.

- Ben... si vous arrêtez la fille, vous faites quoi avec le client? Isabelle regarde Stéphane qui a un crayon dans bouche. C'est ça que j'veux dire là. Émet Nadine qui a croisé les bras. Vous voulez pas alerter les jeunes filles parce que vous avez peur d'échapper du monde, mais l'client est aussi dangereux. Y peut placer un appel au pimp.

- Pas si c'est moi qui s'en occupe. Assume Stéphane.

- Ok... Nadine sourit.

- Laisse-moi une coupe d'heures avec lui là, y'appellera pas personne.

- C'est drôle là parce que j'aurais tendance à l'croire là. Affirme Isabelle.

- Non seulement y'appellera pas  personne, mais m'a l'rendre soudainement impuissant.

Nadine lève les yeux au ciel en hochant la tête

- Bon. Ok. Accepte-t-elle.

Bruno travaille à son ordinateur lorsque Nadine passe à côté pour aller à son bureau. Elle s'arrête dans son chemin en le voyant. Elle le fixe la bouche ouverte voulant dire quelque chose l'air hésitant. Bruno lève les yeux et tourne la tête vers elle.

- Qu'est-ce qu'y'a? Lui demande-t-il.

- Rien. Nadine lui sourit légèrement et entre dans son bureau.

Bruno recommence à travailler comme si de rien n'était.