Mylène

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Salle d'interrogatoire au matin: Mylène Darveau porte un chandail en tricot à manches longues rouge. Son père a amené la chaise qui se trouvait à sa droite pour s'y asseoir à gauche de sa fille qui garde les yeux baissés alors qu'il regarde Isabelle vêtue d'une chemise blanche assise devant eux.

- Moi Mylène j'suis ici pour faire respecter la loi. Toi les décisions qu'tu prends ça t'appartient, mais comme t'es encore mineure j'ai pas l'choix d'impliquer tes parents là-dedans. Explique Isabelle.

- Faites c'que vous voulez j'm'en fou. Boude Mylène les bras croisés.

- J'peux faire une demande de détention provisoire au directeur des poursuites criminelles et pénales. Tu risques de te retrouver en centre jeunesse.

- J'ai rien à dire.

Nadine ouvre la porte.

- J'peux être seule avec Mylène deux minutes? S'il vous plaît. Demande la lieutenant.

Isabelle hoche la tête et se lève.

- On va les laisser quelques p'tites minutes. Invite-t-elle le père de Mylène.

Elle sort avec lui alors que Nadine s'accote contre le mur avec une grande fenêtre formée de carreaux flous. La porte se referme et Mylène lève les yeux vers Nadine et les rabaisse. Nadine tape sur ses cuisses et prend un respire avant de se lancer.

- Moi je l'sais pas c'qui s'passe dans ta vie. Je sais pas c'qui s'passe avec tes parents pis ça m'regarde pas. Elle s'approche de Mylène et se penche vers elle. Ta vie professionnelle oui. Ça, ça m'regarde. Peut-être que ça t'intéresse pas c'qu'on fait, mais c'qui va s'passer ici là, si tu refuses de nous aider, c'est qu'tu vas rentrer dans l'système. Elle s'assoit sur la table juste à côté de l'adolescente. Pis le système des jeunes contrevenants. Comment j'te dirais ben ça? C'est comme une grosse machine à laver ok? Illustre Nadine en posant sa main gauche sur la table pour se pencher. Au début ça brasse pas trop, mais quand ça s'met à spiner là. C'est ben ben dur de l'arrêter. C'est l'tribunal, les centres jeunesse, les rencontres avec le délégué, les évaluations, les sanctions, le suivi légal, les risques de récidive. Toi tu capotes, t'es frustrée, tu fugues, tu retournes dans la rue, un autre pimp pis enwaye ma pitoune dans l'fond d'une chambre de motel cheap. C'est peut-être pas ça qui va t'arriver là, mais si t'as besoin d'te faire convaincre j'peux t'faire parler à des filles à qui j'ai dit exactement la même affaire. Sais-tu quoi? Tu vas être obligée d'aller leur parler en prison... parce que ça s'est pas bien passé pour elles.

Marie-Andrée, la mère d'Audrey, entre dans la cuisine alors que celle-ci s'y trouve assise à l'îlot en train d'écrire dans un cahier rouge.

- Qu'est-ce tu fais? S'intéresse la mère en s'avançant vers le comptoir près du four.

- J'écris c'qui m'est arrivé.

- Comment c'qui t'es arrivé?

- Ben... qui j'ai rencontré, qui a dit quoi. Le nom d'mes clients. Énumère Audrey.

- Euh... t'es sûre que tu vas être correcte ce soir toute seule avec ton frère pis ta sœur?

- Maman arrête. C'pas la première fois qu'j'suis toute seule avec eux autres.

- C'est un reproche ça? Vérifie Madame Sanscartier en prenant sa boîte à lunch.

- Non. Un commentaire qui veut juste dire c'que j'ai à dire.

La mère se retourne vers l'îlot pour se placer face à sa fille.

- Quand tout ça va être finir là, on va s'asseoir toi pis moi pis on va s'parler. Déclare-t-elle.

District 31 Où les histoires vivent. Découvrez maintenant