5 : Plomb

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Félix glissa ses converses noires tachées de miel et aux semelles collantes, dans la machine à laver. Les jambes croisées en tailleur et la doudoune verte posée derrière son dos, il fixait ses baskets tourner à l'intérieur de la machine à laver. Il comptait le nombre de tours que faisaient ses baskets en toile, en l'espace d'une seule minute.

Francine tenait entre ses fins doigts des coupons de réductions découpés sur les emballages de nourriture bon-marché, logeant dans les placards désordonnés de sa petite cuisine rose. Le sourire crispé et le faux-cil décollé, Francine tendait honteusement un coupon de 25% de réduction sur un sachet de pain de mie, coupon recouvert d'une substance collante et jaunâtre. Les iris cristallines de la caissière rondouillette, se forgeaient une lueur d'incompréhension face à cette drôle de situation.

Hmm, c'est tout ce que j'ai. Bafouille Francine, le coupon de réduction au bout de ses doigts, que la caissière ne prenait pas. J'ai eu, comment dire, comme un petit souci. Marmonne-t-elle, en déposant le coupon sur le comptoir en métal.

La femme au foyer attrapa un des deux bidons de lait et le déposa face à la caisse, avant d'attraper le second avec difficulté. Le bidon étant assez lourd, il se déversa sur le sol en un claquement étouffé. Francine laissa alors échapper un hurlement d'étonnement, sautillant sur ses talons aiguilles lorsque que le lait entra en contact avec sa peau. Les autres clients dans la file du supermarché, hurlèrent d'un ton effarouché, les yeux rivés sur le lait se répandant sur le sol. Les joues empourprées de Francine ne cachaient plus sa honte, tête baissée sur ses escarpins tâchés de lait.

Vous allez devoir payer pour tout ça et pour ça aussi. S'écrie la caissière aux boucles blondes lui caressant la mâchoire et au double-menton, en pointant le rayon des céréales.

Mon fils a quelques problèmes de discipline. Bafouille-t-elle, en replaçant nerveusement une mèche de cheveux derrière son oreille, le rire jaune et la voix tremblante.

Je ne vois pas votre fils à vos côtés, madame.

Les pupilles sombres de Félix glissaient sur les cases de sa bande dessinée des quatre fantastiques et ses doigts effleuraient le papier cartonné des fines pages. L'adolescent se noyait à travers ses comics préférés, relevant son menton vers le tourbillon de la machine à laver à quelques centimètres de lui. Ses doigts, tenant sa BD qu'il avait volé chez le marchand de journaux du coin, passèrent sous le tissu de son jean, se frayant un chemin à travers le trou au niveau de son genou. Le p'tit con de voleur tapotait sa peau laiteuse, parcourant les os de son genou, du bout de ses doigts.

Francine, le dos courbé, frottait le sol du rayon des céréales à l'aide d'une grosse éponge jaune. Ses mains rugueuses étaient humides et recouvertes de mousse, la femme au foyer formait des cercles sur le carrelage blanc. Sa courte chevelure brune gigotait et des mèches de cheveux s'entremêlaient sur le haut de son crane. Le miel collant et gluant se mêlait à l'eau mousseuse et au produit antibactérien et dégraissant. Francine plongea l'éponge dans l'eau et l'essora en la tordant de ses deux mains. Elle fit de grands mouvements verticaux contre le sol, laissant échapper quelques grognements d'énervement. Elle se redressa, lançant la vielle éponge dans le sceau d'eau bleu, dont quelques éclaboussures s'exposèrent sur son visage rougit.

Francine passe sa main droite humide sur son front, soupirant et invoquant le christ. La mère du jeune brun réajuste sa longue jupe de velours rouge et frotte ses deux épaules couvertes par son long manteau en peau. Sa main gauche attrape les lianes de son sac en faux cuir et ses escarpins frôlent machinalement le sol jusqu'au centre du rayon. Son dos courbé et son sac à main dans le creux de son bras gauche, Francine ramasse une boite de céréales affalée sur le sol et la replace sur l'étalage. Après une brève réflexion, cette dernière, reprend la boite cartonnée dans ses mains et passe ses longs ongles sur l'ouverture, avant de craquer le filme plastique. Les flocons de blé sucrés se renversent sur le carrelage blanc et Francine projète la boite sur le sol, avant de brandir du rayon, en écrasant les boites de céréales à l'aide de ses talons aiguilles.

FélixOù les histoires vivent. Découvrez maintenant