4 : Styrène

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Les hautes chaussettes vert pomme trouées au niveau d'un des doigts de pieds de Félix écrasèrent la moquette grise de la petite cuisine rose, alors qu'il fit tourner le bouton du volume de la radio. Le volume à son maximum réveilla de ses tons rock le foyer Olson.

Félix ouvrit la porte du placard rosâtre, s'emparant du paquet de céréales, avant d'ouvrir le frigidaire noyé de dessins de sa douce enfance. Il prit place sur un des quatre tabourets en métal au coussinet de cuir orange, situés aux extrémités de la table-bar, sa main serrée autour de la poignée du bidon de lait. Sa cuillère métallique était parallèlement positionnée à son large bol de porcelaine bleue, face à son verre de jus d'orange. Félix fit déborder son bol de froot loops, céréales aux fruits, en forme d'anneaux et aux multiples colories. Une dernière céréale glissa dans le bol, vidant définitivement le paquet cartonné, qui s'élança dans les airs avant d'atterrir au centre de la cuisine aux tons roses. Félix rapporta son verre de jus d'orange à ses lèvres rosées et le liquide coula le long de sa gorge. Il dévissa le bouchon rouge du bidon de lait et versa une petite quantité de lait dans son bol de céréales. Refermant le bidon de lait de sa main gauche, Félix prit une cuillère de céréales de sa main droite, qu'il fit glisser à l'intérieur de sa bouche.

Au pied du plan de travail, le bol de porcelaine s'échoua contre le sol, dont son contenu se déversa contre la moquette. L'air blasé sur son visage ne cessait de vieillir à ses côtés; le lait n'étant pas écrémé, Félix n'était pas satisfait.

Le jus d'orange coulait dans sa gorge, la radio ne cessait de déblatérer, la flaque de lait s'engouffrait dans les fibres de la moquette et le téléphone sonnait encore et encore.

Le verre de l'adolescent rentra en contact avec le bois du plan de travail et une fine goutte de jus de fruit coula jusqu'au fond de celui-ci. Félix fit un demi-tour sur son tabouret, gambadant jusqu'au grille pain et il attrapa le téléphone jaune, relié à sa base par un fil en tirebouchon, fil que sa génitrice avait l'habitude de tournicoter au tour de son majeur. Le gamin, de son mètre 70, plaque le combiné contre son oreille droite, laissant échapper un faible soupire.

Francine, c'est madame Sanders, j'aurais deux, trois mots à vous causer.

Rappelez plus tard.

Vieille truie. Murmure-t-il, en reposant le combiné sur le plan de travail.

Félix tourna les talons et croisa le regard de sa mère, ses deux orbites obnubilés, braqués sur son fils. La tignasse brune de Francine était désordonnée, la corde de son peignoir trainait sur le sol, laissant apercevoir son pyjama à carreaux, tombant sur ses chaussons de laine blanche. Les bras le long de son corps las, l'air ahurissant et la bouche entrouverte, la journée venait à peine de commencer pour la femme au foyer.

Les pieds de Félix rentrèrent en contact avec le liquide visqueux du lait sur la moquette, ce qui ne dérangea aucunement le jeune garçon.

Je crois que t'as réveillé ta mère, gamin. Marmonne d'un ton nonchalant, l'homme de la maison, lorsque Félix ouvrit la porte du garage.

Jean-Charles était accroupi au coin du garage, les mains recouvertes de graisse de moteur d'une mobylette qu'il tentait de réparer depuis quelques jours. La Peugeot 103 rouge rouillait au fond du garage depuis moins d'une dizaine d'années, quelques temps après sa sortie.

Dis, quand tu auras fini de la réparer, je pourrais récupérer le garage ? S'interroge Félix, triturant son tee-shirt du bout de ses doigts.

T'en as pas assez avec ta chambre ?

Le père de June a aménagé le sous-sol rien que pour lui et pour le groupe.

FélixOù les histoires vivent. Découvrez maintenant