9 : Polonium

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François gambadait dans les escaliers, sa main glissait sur la rampe en bois et ses épaules étaient recouvertes par un tee-shirt jaune moutarde sous une salopette en jeans. Il traversait la petite maison et ses baskets vertes effleuraient la moquette grisâtre de la cuisine. Il courbe le dos, ouvre l'un des placards roses et en ressort un petit tabouret bleu clair, avant de le traîner jusque sous l'évier en métal. Le plus jeune frère mit un pied sur le plastique bleu ciel du tabouret, puis le second et grimpe sur son petit escabeau. Il tourne les deux manivelles rouges et bleues du robinet métallique et trempe ses mains sous l'eau, avant de presser le pousse-mousse au coin de l'évier, à l'aide de ses deux mains. Il savonne ses mains entrelacées et à la peau douce, puis les passe sous l'eau tiède, pour rincer la mousse bourdonnant sur ses phalanges. Il attrape un vieux torchon à carreaux rouges et blancs, abandonné dans le coin du plan de travail, à côté de la cafetière jaune pastelle, pour sécher ses mains mouillées. François lance le torchon sur le plan de travail et descend du tabouret en plastique, avant de le remettre dans le placard de la cuisine. Il passe le bas de la porte de la cuisine et gigote ses bras le long de son corps, jusqu'au salon éclairé par les vielles couleurs du téléviseur qui grésillait dans la pièce sombre.

Jean-Charles détache les yeux de son match de baseball et se tourne vers François, les yeux cachés sous sa frange.

Elle est où maman ? Crache François de ses cordes vocales, la tête inclinée vers son géniteur.

Elle sert de la soupe aux les SDF pour la paroisse, la télé est à nous pour toute la soirée. Chantonne-t-il, en tapotant sur son bide, recouvert par un pull-over aux motifs de noël.

François hoche les épaules et vient s'écrouler dans le fond du canapé, entre son père et son grand frère, obnubilés par le téléviseur.

T'as pas école demain, toi ? Marmonne Félix, le visage incliné vers son frangin.

Toi aussi, non ? Souffle-t-il, de sa petite voix. Je peux avoir une gorgée de bière ? Réclame-t-il, les yeux rivés sur la canette de bière, entre les mains de Jean-Charles.

T'es pas un peu jeune pour boire ? Ronchonne Jean-Charles, en rapportant la canette à ses lèvres et laissant couler le liquide jaunâtre dans sa gorge.

T'es pas un peu vieux pour porter des joggings ? Radote-t-il, avant de courber le dos et de prendre une part de pizza dans la boite cartonnée.

Le moustachu au pull-over en laine et au large jogging gris, pouffe grossièrement, la tête reposée sur le dossier du canapé.

Où tu vas comme ça, toi ? Aboie le père des deux bruns, le visage tourné vers Félix, debout derrière le canapé.

Au terrain de tennis, rejoindre June.

Fumer des joins, c'est ça ?

Non, pour jouer au tennis, papa.

Allez, file.

Félix fixe une derrière fois le crâne chevelu de son père devant le téléviseur et tourne les talons, pour quitter la pièce, en expirant un nuage d'air. Il longe le couloir dans l'obscurité et pose sa main droite sur la poignée ronde et pénètre dans la pièce noyée de cartons, avant d'appuyer sur l'interrupteur à sa droite. Il empoigne sa doudoune verte, posée sur l'un des cartons empilés les un sur les autres et l'enfile sur son dos, avant de quitter la petite pièce, en éteignant la lumière jaunâtre. La porte d'entrée claque derrière son dos et Félix traverse l'allée en pierres, pour longer les trottoirs de la bourgade, les mains dans les poches de sa veste.

FélixOù les histoires vivent. Découvrez maintenant