3 : Naphtalène

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La raquette de June frôlait ses chaussettes blanches, tandis que sa balle de tennis effleurait le tissu de son short de sport. L'autre gamin longeait les buissons du petit chemin, les mains plantées au fond de ses poches. Le regard froid, les épaules tombantes et le visage crispé, Félix sombrait peu à peu dans un silence de marbre.

June posait les yeux sur ses vans bordeaux, les grandes boucles de ses lacets rebondissaient frénétiquement contre le tissu de ses baskets. Ses iris limpides glissèrent subtilement sur la peau claire de son ami, se réfugiant sur sa mâchoire carrée.

Tu gagneras une prochaine fois. Glisse June au creux de l'oreille de Félix.

Si tu le dis. Articule-t-il, en plongeant ses pupilles dans celles de son interlocuteur.

June écrabouille la pelouse de son jardin et escalade les trois marches du perron, avant de poser ses doigts fins autour de la poignée métallique de la porte d'entrée.

Étouffé d'une maniaquerie perpétuelle, Félix comptait chaque marche des escaliers de bois terne. 12, il y avait 12 marches chez June, mais l'adolescent aux cheveux mi-longs connaissait particulièrement cette somme depuis quelques années. 12 marches, sans compter les 3 marches sous le porche, les 2 marches au seuil de la chambre de June, puis les 8 marches au sous-sol. 25, la maison conviviale des Hansen contenait 25 marches de bois et de pierre.

Les semelles boueuses de Félix quittèrent le bois des deux marches de la chambre, avant de frôler le sol de la pièce.

Derrière le passage de son meilleur ami, June, les cheveux un peu plus ondulés depuis quelques minutes de par les quelques gouttes de pluie, claqua furieusement la porte, couchant un fracas de la pancarte « Ne me faites pas chier » contre sa surface lisse.

Félix s'écroulant sur le lit de son acolyte, soupirait, la tête penchée vers le plafond noyé de posters de rock, des Beatles aux Red Hot Chili Peppers. Les iris du gamin brillèrent face au poster du guitariste et chanteur américain, Jimi Hendrix.

Hendrix... Murmurait-il, et dire qu'à mes douze mois, mon père m'a tout de suite initié à sa musique, dès le jour de sa mort. 1970, une putain d'année.

Ton père a beau être un bon gros connard, il a des goûts musicaux qu'on ne peut pas égaler.

Jean-Charles, hmm, Jean-Charles, un sacré con de junkie, drogué au Jimi Hendrix, au rock et films nases.

Les deux adolescents pouffèrent, les étoiles dans les yeux, le rock dans la tête et les hamburgers dans le ventre.

June, un rictus au coin des lèvres, ôta son large k-way de sport bleu marine, appartenant à son paternel et le fit glisser sur le gros fauteuil de velours brun clair, au coin de la pièce. Il empoigne la petite briquette de lait aux couleurs criardes, posée sur son bureau et la rapporte à ses lèvres. Il prit une gorgée de lait, avant de recracher le contenu de la briquette, sur son tee-shirt de marque sportive, vert sapin.

Merde ! J'ai dû l'oublier plusieurs jours sur mon bureau. Hurle-t-il à travers la chambre d'un gamin de 16 ans.

Les fossettes de Félix brillaient à travers le flux de lumière du néon bleu, répandant une luminosité pareille aux toilettes d'une boîte de nuit.

Imagine un peu la réaction de ta mère quand elle trouvera ton tee-shirt remplit de tâches blanches assez suspectes, dans le panier de linge sale. Lance Félix, ses dents blanches et tranchantes, toutes nues face aux yeux de June.

L'adolescent au tee-shirt vert sapin, glisse un soupire entre les quelques mots mâchés de Félix, lançant un regard noir à son ami.

June ouvrit un tiroir de sa commode de bois et ôta son tee-shirt de sport, qui glissa sur le sol de la chambre. Les bras croisés contre son torse, ses mains aux longs doigts rugueux effleuraient ses côtes fortement visibles.

Un soupire expirant de sa bouche, le visage de June s'inclinait vers le regard froid de son meilleur ami. Le visage de Félix était crispé, comme frustré, il frottait ses mains l'une contre l'autre, ses doigts rougis, se frôlant fiévreusement.

Les bras de June glissèrent contre ses hanches, le long de son corps fin et frissonnant. Il plonge ses mains dans le tiroir ouvert de sa commode et en extirpe un large sweat-shirt jaune moutarde, avec comme logo, une montagne, cousu sur la poitrine. Il referme le tiroir et prend place aux côtés de Félix, lui tendant son paquet de cigarettes. Il en pioche une et la triture du bout de ses doigts, relevant ses yeux vers son ami, qui lui, rapporte un briquet à quelques millimètres de sa cigarette coincée entre ses lèvres.

La flamme du briquet effleurait le bout du bâton de nicotine, durant de longues secondes, avant qu'il ne s'embrase. Il lance le briquet métallique sur les cuisses de son ami, avant d'expirer un épais nuage de fumée. June entrouvre ses lèvres et y glisse sa cigarette, avant d'approcher le briquet du tabac. Son pouce lâche la roulette du briquet et le brun inhale un long filet de fumée, le regard éteint.

La porte de la chambre s'ouvrit brusquement sur le géniteur de June, un chapeau était perché sur sa tête et l'homme portait un long manteau gris souris.

June s'empresse alors d'écraser sa cigarette contre la semelle de ses baskets et jette le mégot sous son lit.

Félix. S'impose-t-il sévèrement, pour saluer l'adolescent arrogant d'un ton autoritaire.

Docteur Hansen. Bronche le gamin, la cigarette entre les lèvres, les sourcils froncés et les pupilles agressives.

FélixOù les histoires vivent. Découvrez maintenant