Félix

13 : Toluidine

Félix et sa bande d'amis poireautaient sur le gros tapis de sport jaune du cours de gym de leur école, tandis que leur professeur monsieur Gibson, soufflait dans son sifflet, les bras croisés sur sa poitrine. Félix grinçait des dents en fixant les jambes de Will, l'un de ses camarades de classe, qui grimpait jusqu'au sommet de la corde, devant le gros tapis, où tous les autres élèves patientaient, les yeux rivés sur le champion. Will se laissait glisser de la corde, dans la tenue traditionnelle des cours de gym, composée d'un short vert et d'un tee-shirt blanc, avec le drapeau américain au dos, alors que le sifflet du professeur s'échappait de ses lèvres.

– Bravo, Will, bravo mon p'tit. Hurlait monsieur Gibson, en frappant dans ses mains. Huff, à ton tour. Acclame-t-il, en tournant ses orbites pleines de hargne, vers le rouquin.

Will gambadait jusqu'à la troupe d'élèves, en affichant un sourire fière et mielleux sur son visage pâle et frappait dans la main de certains de ses camarades. Félix dévisageait le garçon aux cheveux cordeau, qui faisait son show, tandis que Nelson soufflait, les mains tremblantes et les gouttes de transpiration qui coulaient de son front. Ses longues jambes se tendent et Nelson se redresse, l'air déterminé et confiant, ses poings se serrent et sa mâchoire se contracte face au professeur.

– Tiens-moi ça, Kun. Bafouille Nelson, en claquant sa paire de lunettes dans les mains de son ami asiatique, sans détourner le regard du sommet de la corde.

– C'est pour aujourd'hui ou pour demain, Huff ? Lance monsieur Gibson, avant de siffler, les bras toujours croisés. Allez, Allez.

Le garçon foudroyé, tente d'avancer, les yeux papillonnant et la respiration saccadée. Ses baskets de sport rentrent en contact avec le tapis bleu sous la corde, qu'il entoure de ses longs doigts, sous le regard ricaneur de ses camarades. Le parqué du gymnase de l'école ne couinait pas, les ballons de basket ne rebondissaient pas sur le sol et le cadran avec l'heure en rouge, semblait ne plus fonctionner, alors que Nelson gisait sur la corde, à quelques centimètres du tapis bleu. Ses mains agrippaient les fibres de la cordelette, ses pieds étaient enroulés autour de celle-ci et ne brochaient pas d'un poil, alors que les moqueries fusaient dans le gymnase.

Kun, Félix et Pierre se scrutaient, mal à l'aise pour leur ami perché sur la corde, tandis que June lorgnait ses baskets, les bras autour de ses jambes nues. Il était placé entre Félix et Pierre, qui avait baissé les yeux pour éviter de se moquer de son meilleur ami.

– Wilkerson, reste pas là, viens aider ton copain. Gronde leur professeur de sport, en pointant l'afro-américain du doigt.

Les fesses de Pierre, qui s'appuie sur ses mains pour se relever, quittent le tapis jaune, qui étaient plantées sur le bord et se dandinent jusqu'à l'adolescent en détresse. Pierre empoigne les chevilles de Nelson, qu'il fait basculer vers le haut de la salle, alors que le rouquin pousse des petits cris ridicules, en tremblant de tous ses membres. Les autres adolescents continuaient de rire à travers le gymnase, étalés sur le gros tapis à 3 mètres des deux amis qui s'efforçaient de prolonger leurs efforts.

– Tout le monde aux vestiaires, sauf vous deux, vous resterez là tant que Huff n'aura pas atteint le sommet. S'écrit monsieur Gibson, en soufflant une troisième fois dans son vieux sifflet métallique.

– Mais, m'sieur c'est injuste. Sanglote Pierre, les bras en l'air et les jambes tremblotantes.

– Tais-toi et pousse, Wilkerson.

La troupe d'élèves quitte le tapis, en ricanant sous le sort des deux débrouillards au milieu du gymnase, alors que Nelson transpire, les yeux plissés et les cheveux humides. Kun dépose les lunettes aux verres jaunes de Nelson, avant de courir derrière ses camarades, face aux portes battantes de la grande salle, à moitié vide. Les néons bourdonnent, avant de totalement s'éteindre, laissant les deux amis dans l'obscurité, après la disparition des autres adolescents aux tenues similaires et pleines de transpiration.