«Sherlock n'avait pas encore éteint le moteur qu'un homme en uniforme kaki et une femme en blouse blanche nous abordèrent.
"Monsieur Holmes? Que nous vaut la visite du gouvernement?
-Une inspection surprise, bien entendu!" déclara-t-il fièrement.
La femme, blonde, très élégante, afficha quant à elle un air déconfit.
"Mais... Mais c'est la première fois depuis que le centre a ouvert!
-Il était temps, alors!
-Je... Bien, par quoi voulez vous commencer, Monsieur Holmes?" se reprit-elle.
"Que faites vous exactement dans ces laboratoires? Quel est l'objet de vos recherches, pour qu'ils durent si longtemps?"
La dame commença à lui expliquer qu'ils travaillaient sur les plantes, qu'ils cherchaient à rendre plus résistantes, en les croisant avec d'autres plus anciennes. L'homme lourdement armé restait en retrait, me regardant suspicieusement.
C'est vrai que je n'avais pas vraiment l'air de travailler pour un quelconque gouvernement, dans mon vieux jean usé, ma veste en cuir surmontée d'une grosse écharpe, mes bottines déchirées et mon pull rose bonbon. Il me fixait depuis près de trente secondes quand nous arrivâmes devant l'entrée du bâtiment principal. La grande porte blindée demandait de valider des badges pour pouvoir entrer.
"Et elle?"
Aïe. Repérée. Sherlock, ou plutôt Mycroft, le regarda étonné.
"Quoi, elle?
-Elle a une habilitation?
-Bien sûr, c'est mon assistante.
-Elle vous suit partout comme ça?
-C'est son travail, oui.
-Donc, je suppose qu'elle n'a pas de carte.
-A quoi bon? Elle m'est très fidèle depuis près de cinq ans, elle n'irait pas vendre des informations aux autres pays."
Il avait dit ça sur un ton rieur qui ne me plut guère, et illustra ses propos en glissant son pouce dans le passant arrière de mon jean, appuyant lourdement sa paume sur mon fessier.
"N'est-ce pas, Noah?
-Oui, Monsieur Holmes." fis-je de ma plus belle voix de greluche, en me demandant pourquoi moi je n'avais pas le droit à un nouveau nom.
Nos deux nouveaux amis semblèrent satisfaits, puisqu'ils se mirent d'accord sur mon sort d'un simple coup d'œil. La femme, dont j'avais déjà oublié le nom, invita mon "patron" à badger afin d'ouvrir la lourde porte. Sherlock passa donc la carte sur le petit boîtier, dont la lumière vira au vert en émettant un petit bip , ce qui arracha un soupir imperceptible de la part de l'imposteur. L'homme armé repartit vaquer à ses occupations, tandis que nous suivîmes la directrice des lieux dans l'antre des scientifiques. Le cadet des Holmes m'attira un peu plus à lui, avant de prendre la parole, à voix basse.
"Il ne nous reste plus que vingt-trois minutes, avant qu'ils ne se rendent compte de la supercherie, que ce soient eux ou le gouvernement." Il me lança un regard pétillant, mauvais signe pour moi. "Oh, ça serait fabuleux si tu gloussais, comme si je venais de t'annoncer à quelle sauce j'allais te manger ce soir!"
Je le fixais un instant, douteuse et probablement rouge écarlate, avant d'accéder à sa demande, sans grande conviction. Cependant la dame en blouse, Gardner de son nom, détourna le regard de nous, visiblement gênée face aux messes basses et encore plus à ma réaction. Elle ne me porta plus aucune attention, préférant sûrement discuter avec quelqu'un digne d'intérêt plutôt qu'avec une petite assistante de la promotion canapé. Ce que je comprenais amplement.
Nous apprîmes donc que Madame Gardner et son équipe, tout comme celles qui avaient précédé, effectuaient des expériences sur différents fruits, légumes ou céréales afin de réussir à les faire survivre dans des milieux arides, et ainsi faciliter leur exploitation par les populations de ces lieux. Savait-elle au moins que peu, voire pas, de gens habitaient en Antarctique, en Arctique, ou dans n'importe quel autre désert existant sur cette Terre? Après un instant de réflexion, je compris enfin qu'elle parlait d'OGM, dans des termes bien trop compliqués, finissant tous par des suffixes incompréhensibles pour tous ceux qui n'avaient pas fait d'études scientifiques.
Nous visitâmes plusieurs salles, toutes plus stériles et blanches les unes que les autres, Sherlock passait son temps à hocher la tête et à affirmer ce que disaient la plupart des personnes que nous rencontrions. Lors d'un énième, et surtout dernier, voyage en ascenseur, je réalisais que nous montions vers la sortie, alors qu'il nous restait le dernier sous-sol à visiter. Je fis part de ma découverte au détective professionnel, en lui tirant légèrement la manche, ne quittant pas des yeux le petit bouton métallique. Les portes s'ouvrirent sur le hall, il observa son poignet, secoua la tête de droite à gauche et sortit de la boîte. Il s'apprêtait à parler quand un homme robuste, bien plus petit que moi, arriva à la rencontre de la scientifique. Je regardais discrètement ma montre. Le temps imparti était écoulé.
"Merci de nous avoir donné de votre précieux temps, madame Gardner. J'ai tout ce qu'il me faut, nous pouvons y aller. Au plaisir de se revoir..." lui fit-il avec un clin d'oeil.
Il me poussa vers la voiture, dont j'avais déjà oublié la marque, la main gauche toujours posée dans le creux de mes reins. J'eu à peine le temps de m'attacher qu'il démarra et nous nous retrouvâmes rapidement devant la sortie. Sherlock poussa un soupir de soulagement quand la barrière s'ouvrit, suivi d'une nette accélération de la décapotable. Je compris pourquoi quand, moins d'un kilomètre plus tard, une alarme retentit dans le bâtiment. Le téléphone du conducteur se mit à sonner frénétiquement, sur l'écran le nom de son aîné s'affichait sans relâche.
A mi chemin pour rentrer au manoir, la mélodie s'arrêta, avant de reprendre sur une note tout à fait différente sur mon téléphone. Mycroft. Maintenant qu'il avait comprit que son frère ne répondrait pas, il essayait de me contacter. Le problème était que j'étais obligée de lui répondre, par simple contrat muet que nous avions passé il y avait des mois de ça.
"A-Allô?
-Qu'a-t-il encore fait?! Pourquoi suis-je à la fois à Londres et dans un trou paumé à des centaines de kilomètres d'ici?
-Dans le Dartmoor, nous... sommes dans le Dartmoor..."
Le grand bouclé à ma droite rigolait, une main négligemment posée sur le volant, son autre coude appuyé sur la portière.
"Dire qu'il lui a fallu trente-sept minutes pour s'en rendre compte!" réussit-il à articuler entre deux éclats de rires.»
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Les Voisins D'en Dessous
FanfictionJe sentis une main secouer légèrement mon épaule, une voix masculine m'appelant plusieurs fois "Miss... Miss?" Sortant de ma torpeur avec difficulté, je m'assis, en me frottant les yeux, sur ce qui me servait de lit. Je regardais l'homme en face de...