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«Sherlock essayait de me convaincre depuis une demi-heure que j'allais devoir passer la soirée seule dans la lande, avec une lampe torche, à guetter une éventuelle bête immense. Cependant, il n'écouta pas mon refus et m'envoya au village acheter ladite lampe.

Je me retrouvais alors sur la place centrale, tournant la tête lentement dans l'espoir de trouver un convenience store, en vain. Luke m'interpella depuis l'accueil de l'office de tourisme, balayant l'air de ses grands bras. Une fois que j'arrivais à sa hauteur, il prit la parole.

"On se voit souvent, en ce moment, vous ne trouvez pas? Je prendrais presque ça pour un signe du destin...

-Presque."fis-je avec un sourire poli. "Dis moi Luke, sais-tu où je pourrais trouver des lampes? J'en aurais besoin pour ce soir...

-Je vous interdit de vous aventurer seule dans la lande, en pleine nuit!" annonça t-il d'un ton sec.

"Tu n'as rien à me dire, jeune homme, je n'ai pas besoin de ton accord pour faire quoi que ce soit. Alors, ces lampes?

-J'en ai dans l'arrière boutique. Je vais vous chercher ça, mademoiselle." dit-il d'une voix faible, comme celle d'un enfant que l'on aurait disputé.

Il revint quelques minutes plus tard, une lampe de la taille de mon avant-bras entre les mains, et me lança un regard suppliant, mais je restais ferme.

"C'est la seule qu'il me reste, elle est assez puissante pour éclairer la largeur du ravin. Mais je vous en prie, faites attention.

-Ne t'inquiète pas pour moi. Je ne serais pas seule."

Je m'en allais sur ce mensonge, en lui faisant un geste de la main. J'allais vraiment passer la nuit seule, dans une forêt immense, sombre, et effrayante, livrée à moi-même.

Le soir arriva très vite, trop vite même, et Sherlock me fit un petit débriefing pendant que Mycroft nous attendait derrière la porte de ma chambre.

"Soit bien attentive, ne fais pas d'erreur, de mouvements catastrophiques ou je ne sais quoi encore.

-Je sais me débrouiller, Sherlock.

-Il est haut comme ça" ignora-t-il ma remarque, en posant sa main au niveau de son buste. "Il est noir, sale, et a des yeux rouges, il grogne comme un loup, est vif comme une hyène et rapide comme un lion.

-Tu sais que tu viens d'assimiler deux canidés à un félin?

-Noah. Arrête, concentre-toi un peu. C'est important, je ne veux pas que tu te blesses, je n'aurais personne pour faire les tâches ingrates sinon."

Trop honnête. Vraiment, il ne fallait pas, il aurait pu être beaucoup plus aimable en ne disant rien. Huit heures sonnèrent et il était temps qu'on y aille. Holmes cadet était partit un peu plus tôt, me laissant avec l'aîné, dans un silence lourd.

Dehors, à mesure que je me rapprochait du centre de la forêt, un brouillard épais nous empêchait de voir au-delà d'un mètre, et mon avancée vers le ravin se fit longue, très longue. La torche ne me servait qu'à éclairer ce fichu brouillard, et ne me retint pas de me prendre quelques racines dans les pieds. J'arrivais enfin devant le trou presque béant, effrayée par le fait que je ne voyais pas le fond, supposément recouvert de feuilles mortes et autres choses dont je ne voulais pas connaître l'existence. Une pensée me traversa l'esprit. Se pouvait-il que je tombe sur des rats? Un frisson glacé me parcourut, et je secouais la tête pour chasser cette idée, me rappelant soudain que je risquais de tomber sur un monstre aussi grand que moi et bien plus horrible qu'un rat...

J'atteignis enfin le fond de ce ravin, et guettais tout autours de moi, essayant en vain d'éclairer quoi que ce soit dans ce brouillard plus dense que le nuage de lait que met Watson dans son thé. Je patientais ainsi un long moment, essayant de me rassurer sur l'existence faussée d'une telle créature.

Un bruit sur ma droite me fit sursauter, suivit d'un autre sur ma gauche, puis derrière moi. Je me cramponnais autant que possible à ma lampe torche, et faisais face au bruit du mieux que je le pouvais. Un dernier se fit plus brut, comme si on marchait sur une branche au sol. Un craquement déchira l'air, une branche tomba d'un arbre, de l'autre côté de la crevasse, devant l'unique sortie que je connaissais. Quelque chose frôla mon mollet gauche et je me retournais vivement, encore plus tétanisée. J'entendis une chose bouger derrière moi, mais je ne vis rien à cause du brouillard qui s'épaississait encore et encore. J'eus une quinte de toux assez forte, pour ne pas arranger mon cas. Soudain, tout alla très vite.

Deux yeux rouges et immenses percèrent au beau milieu du ravin, et je dirigeais ma torche vers eux, dans un infime espoir de percevoir quelque chose. Ils disparurent, puis un souffle chaud s'invita sur ma nuque, et je réprimais un cri, me concentrant pour garder mon sang froid. La respiration de la chose derrière moi s'accéléra avant de disparaître totalement.

Devant moi, se tenait à présent une bête immense, presque aussi haute que moi, avec une face horrible, entre une hyène et un loup enragé, les crocs plus longs qu'un doigt, et gonflée de rage et de faim. Terrifiée, je fis un pas en arrière et trébuchais bêtement sur une racine.

Je me retrouvais à terre et la bête, le monstre de Baskerville, s'approcha de plus en plus, avant de me sauter dessus alors que je poussais un cri d'horreur et de peur.

Alors que je me croyais déjà morte, deux coups de feu retentirent, et la bête se retourna, enragée. Deux bras se posèrent sur mes épaules et un visage entouré de cheveux bouclés fit son apparition dans mon champs de vision. J'étais en pleur, pétrifiée et glacée, toussant encore, et lui affichait un sourire satisfait, une lueur de victoire dans le regard.

Ma quinte de toux s'aggrava encore, et une voix, que je savais appartenir à l'aîné des Holmes, ordonna de me ramener hors de la forêt.

Je me sentis alors soulevée du sol, dans un état semi-conscient, puis trimbalée jusqu'au manoir. Je ne savais pas ce que la bête était devenue, et j'essayais d'intimer au détective d'y retourner, pour avoir une chance de l'attraper. Il émit un son proche d'un rire, très moqueur. Le brouillard se dispersait petit à petit à mesure que l'on s'éloignait du bois et les lumières chaudes du manoir me rassuraient.

Sherlock, très gentlemen qu'il était, me lâcha devant la porte, avant de taper plusieurs fois dans ses mains et d'afficher un sourire jubilatoire. Il avait l'air satisfait d'avoir pu prouver sa théorie, au dépend de ma volonté. Mycroft le réprimanda un peu mais avait tout de même l'air de rire de la situation. Je me hâtais, tout en trébuchant quelques peu, vers la cheminée que la bonne avait allumée avant que nous ne partions. Quand elle me vit dans cet état, elle m'apporta une couverture et une boisson chaude qui sentait bon la cannelle.

Le détective, l'air rayonnant, s'apprêta enfin à nous révéler sa théorie.»

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⏰ Dernière mise à jour : Oct 30, 2017 ⏰

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