A l'entrée de la propriété les pilastres majestueux d'un ancien château avaient été conservés, avec leur couronnement aérien et les grilles de fer forgé artistement ouvragé. Un ensemble d'une finesse d'exécution digne de parer les plus beaux monuments historiques du pays. Mais au delà de l'allée de gravier rose et du terre-plein en forme de mamelon herbeux, coiffé d'une fontaine néo-grecque, les lignes architecturales du vaste bâtiment affichaient un modernisme sans concession. Deux paons déambulaient sur les pelouses ramenées à des portions congrues.
Les arbres centenaires du parc possédaient un air de famille de part et d'autre des haies récentes qui marquaient la mitoyenneté avec les propriétés voisines. Même réduit à des proportions plus « humaines », et en dépit de la nuit tombée, le prestige des lieux impressionna les trois compagnons de Désiré. L'irascible Kiki, en déficit de critique, en restait muet de saisissement.
La modernité ne nuisant en rien à la pompe, la magnificence du hall d'entrée circulaire, chapeauté d'un dôme de verre, les acheva. Il faut avouer que le savant mariage du sol de marbre semblant avoir été préservé depuis plusieurs siècles avec les envolées d'inox brossé, la sauvage floraison d'acier noir montant à l'assaut des miroirs aux formes élancées, les ruptures de perspectives en matériaux modernes autorisant un jeu subtil avec les formes et les volumes, constituaient vraiment un décors d'une originalité à couper le souffle. D'autant qu'ils servaient d'écrin à des arbres tropicaux plantés en plein centre, et tout à fait naturels, eux.
L'apparition de la blonde sylphide qui leur livra l'accès au hall sidéra littéralement Djé qui tendit la main mollement, tel un automate, la mâchoire inférieure à la limite du décrochement. A sa décharge, la beauté de la quinquagénaire était réellement époustouflante. Le corps pris dans un pantalon-combinaison en soie blanche, agrémenté d'une écharpe de même tissu qui lui tombait des deux épaules et magnifiait les lignes fluides de sa silhouette qui semblait avoir servi de modèle à la Vénus de Botticelli. Les yeux d'un vert pastel d'Isabelle s'étiraient vers les tempes à la manière de ceux d'un félin.
La brutale rougeur de Pierrot, quant à elle, évoquait assurément la gêne la plus affligeante. Celle de l'obésité confrontée à tant de perfections physiques. Les souvenirs mitigés que Kiki avait conservés de sa rencontre préalable avec la divine apparition se confirmèrent. Ses salutations se limitèrent à de vagues grognements tandis qu'il réservait son admiration pour le splendide marbre du sol.
- Vous devez probablement mourir de faim ! Nous passerons directement à la salle à manger, si vous le voulez bien. Maria a placé au chaud les plats du traiteur Indonésien.
Isabelle prit le bras de Désiré et précéda ses invités vers la salle à manger aux allures de serre exotique, dans la continuité de style de l'entrée. Une chaleur tropicale régnait dans la maison.
La gigantesque table de verre posant sur des faisceaux de défenses d'éléphant suscita à nouveaux l'admiration des invités. L'index de Kiki pointa vers les pieds d'ivoire, mais un vachard coup de coude de Djé dans le bras interrompit net une réflexion plus que certainement désobligeante pour leur hôtesse.
- Ce décor me vrille les nerfs, mais je ne pourrai me résoudre à le quitter tant que mon père sera en vie, expliqua Isabelle.
Djé estima sur le champ les critiques de Kiki infondées. Tout à fait exagérées quant au snobisme de la jeune femme qu'il trouva distinguée, mais « naturelle ». Il s'ouvrit d'ailleurs de cette admiration le soir même à Pierrot ; « Putain ! Si le Martiniqueur accepte toujours le partage, je suis prêt à lui dévorer son string même si la ficelle est nouée à celle d'un Tampax ! ».
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Les Ch'tis braqueurs
ActionQuatre amis bien installés dans la communauté voient leur vie bousculée par une accusation abusive de viol. Un crime qui leur vaut d'office un ticket gagnant pour la prison. Un séjour derrière les barreaux qui va sacrément modifier leur vision de...