Partie sans titre 12

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A l'intérieur de la grosse berline allemande « d'emprunt », la tension se trouvait à son comble. La voiture était immobilisée le long de l'artère passante, à une centaine de mètres de la banque. Pierrot avait les mains tellement crispées sur le volant que ses tremblements nerveux se propageaient à tout le tableau de bord. Un désagrément qui semblait épargner son voisin Kiki. Derrière Kiki, Djé avait les doigts tout aussi crispés sur son riot-gun. A ses côtés sur la banquette, collé à la portière de gauche, Désiré accordait toute son attention aux dernières recommandations de Kiki, vrillé sur son siège pour leur faire face.

- Rappelez-vous bien, serina le Manouche avec l'assurance du chef. Pour l'entrée dans le sas, la porte qui s'ouvre est celle de droite. Pour l'entrée dans la banque, c'est celle de gauche. On ne se goure pas. Désiré, c'est toi qui flanque le coup de pompe dans la porte et qui entre en gueulant, O.K ?

Kiki paraissait le moins perturbé par l'action tant elle semblait lui apporter une sérénité inconnue en temps ordinaires.

- On y va !

Pierrot embraya comme un somnambule. Au terme de son court trajet, la B.M.W coupa la chaussée en biais pour venir se placer devant la banque.

- La... la femme ! Bafouilla Pierrot.

- La femme ? Répéta Kiki en tournant la tête dans la direction du regard de Pierrot.

La voiture doublait effectivement une jeune femme poussant un landau le long du trottoir où ils s'apprêtaient à débarquer. Kiki haussa les épaules avec dédain.

- Eh alors ! T'as peur qu'elle nous pique l'oseille ?... Allez ! On fonce !

Depuis la rue, les vitrines de la banque dépolies jusqu'à mi-hauteur laissaient juste entrevoir le haut des guichets et les néons allumés du plafond. A pied d'œuvre, Désiré n'avait que la portière à ouvrir et le trottoir à traverser pour atteindre les trois marches de l'établissement.

Djé était le seul à devoir affronter un contournement du véhicule par l'arrière. Manœuvre pour laquelle il s'élança tout en abaissant la cagoule de motard roulée sous sa casquette. Précaution qui eut pour fâcheux effet de le plonger dans le noir. Les orifices prévus pour les yeux se trouvaient sur sa nuque.

La ruée des deux premiers braqueurs avait captivé l'attention de la jeune mère du landau. Elle ne vit pas le troisième sbire arriver sur sa gauche. Emporté par son élan, les bras tendus pour prévenir une chute, Djé trouva la voiture d'enfant sur sa trajectoire. Le choc assez violent propulsa le frêle attelage dans les airs. Le landeau effectua une voltige aérienne avant de retourner sur le bitume, les roues en l'air.

L'atterrissage de Djé s'avéra encore plus scabreux. Le bond qu'il effectua d'instinct pour surmonter l'obstacle l'expédia tête première contre une borne d'incendie qui vibra comme une cloche Tibétaine mais refusa de lui céder le moindre millimètre de terrain.

Estourbi aux limites du knock-out, l'ancien boxeur releva sa cagoule pour examiner les alentours. La première chose qu'il distingua fut la jeune mère statufiée. Les mains crispées sur les joues, elle contemplait avec effroi le landau dont les roues continuaient à tourner dans le vide, en cliquetant.

Djé se releva avec peine. Sa démarche hasardeuse le porta vers le véhicule accidenté. Par Dieu sait quel miracle, le matelas n'avait pas suivi la rotation du landau. Il avait conservé sa position horizontale, lesté du bébé et de ses couvertures. Il est certain que le bambin avait du ressentir une sacré secousse, mais pas au point de perturber. La sensation de terreur ne le submergea qu'à la vue du fasciés de Djé coiffée par la cagoule de motard, elle même surmontée d'une casquette polaire posée de travers. Les yeux exorbités du bambin fixaient intensément l'apparition.

Les Ch'tis braqueursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant